Caroline Martinez, Le Monde, Montréal, février 2012
Le projet d’usine de compostage dans Saint-Michel est vivement contesté par les résidants du quartier. Une coalition de citoyens s’est ainsi formée pour faire front face à l’implantation de l’usine au Complexe environnemental Saint-Michel (CESM). Le 19 janvier, le 6 et 7 février étaient des dates-clés pour la coalition afin de réunir et mobiliser davantage de citoyens du quartier en les sensibilisant à la cause, car à présent « Saint-Michel a assez donné ».
Depuis maintenant quelques mois, le quartier Saint-Michel est animé par les protestations et les inquiétudes des résidants face à la possible implantation d’une usine de compostage dans l’arrondissement Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension, précisément au coin des rues Crémazie et Papineau, dans Complexe environnemental.
Répondant à la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles, la future usine de compostage aura pour objectif de réduire l’enfouissement de la matière organique afin d’en valoriser 60 %. Si à l’échelle métropolitaine, les habitants du quartier se réjouissent de la valorisation environnementale que comporte le projet, ils déplorent vivement le lieu d’implantation.
« Pourquoi Saint-Michel ? Aucun autre site n’a été évalué et proposé malgré la proximité résidentielle. Ce projet doit agir avec un souci d’équité territoriale », affirme Denis Sirois, directeur de la Corporation de développement économique communautaire Centre-Nord. Le quartier souffre déjà depuis de longues années de nuisances urbaines liées à des infrastructures publiques de traitement des déchets, ce que Denis Sirois appelle « la mémoire sociale du quartier ».
De 1968 à 2009, c’était l’enfouissement de 40 millions de tonnes de déchets putrescibles dans la carrière Miron. Depuis 1981, c’est le déchargement de 5 000 000 m3/année de neiges usées via 13 quais dans la carrière Saint-Michel. Et depuis 2006, c’est la location de la fourrière Météor à proximité de zones résidentielles…
« L’image du quartier en a beaucoup souffert, c’est devenu le quartier à la poubelle. », déclare Denis Sirois. Marjorie Villefranche, directrice à la Maison d’Haïti reprend, « quand je suis arrivée la Maison d’Haïti, en 1983, on avait l’impression que c’était un quartier abandonné. On y observait un bal de camions et de poussières. Ce n’est pas parce qu’on est pauvre qu’on doit subir cela. Il y a eu du progrès ce n’est pas équitable que l’on détruise tout ce que l’on a accompli ».
Les organismes communautaires du quartier se battent depuis quelques années pour revitaliser le quartier et contrer l’image négative que beaucoup portent à Saint-Michel. Le parc urbain prévu au Complexe environnemental, la présence de la Cité des Arts, la revitalisation de la rue Jarry constituent tant de projets dont les résidants sont fiers. Mais, « l’usine de compostage vient tout mettre en péril. On ne veut pas revenir en arrière. », se défend Denis Sirois.
« Depuis que j’habite à Saint-Michel, je me suis engagée pour faire comprendre à la Ville de Montréal que la fourrière était dangereuse pour nos enfants. Maintenant que le quartier fête ses 100 ans, nous voulons améliorer les conditions de vie des citoyens. « Je souhaiterais adresser un message à M. Tremblay : votre projet de compostage frappe en plein cœur le quartier résidentiel. Notre cour est pleine, allez chercher ailleurs », clame Katya Pineda, résidante du quartier.
Les enjeux pour le quartier sont lourds tant au niveau des préoccupations locales que des objectifs poursuivis par les acteurs et les résidents du quartier. Avec la circulation additionnelle de 71 camions entrants par jour dans le quartier, le camionnage va devenir un réel problème. Les odeurs, le bruit, la réputation du quartier, et les projets publics d’amélioration du tissu urbain local sont autant de facteurs qui inquiètent la population. Pour Claude Doyon, « il est urgent de trouver des solutions alternatives. »
Lors du Conseil d’arrondissement le 7 février, la coalition a ainsi voulu faire entendre son opinion et connaître la décision des élus. Mais Annie Samson, Maire de l’arrondissement Villeray – Saint-Michel – Parc-Extension, est restée catégorique : « notre position n’a pas changé, on attend les conclusions de l’Office de consultation publique de Montréal à la fin du mois pour prendre une décision. Vous nous avez choisi pour vous représenter certes, mais aussi pour prendre des décisions responsables et rationnelles ».
Jusqu’alors les citoyens de Saint-Michel continueront de se battre et de faire entendre leur refus, car comme écrit sur l’affiche distribuée « la force d’un quartier est le reflet de ceux qui le composent ».