LE LOGEMENT : Entre marchandise et nécessité

Isabelle Padula, La Gazette de la Mauricie, juillet 2023

Avec le nombre croissant de personnes qui n’ont pas accès à un logement convenable ou qui sont en attente d’en obtenir un, les hausses considérables des loyers et un taux d’inoccupation record, on ne peut faire autrement que de se demander si le logement est considéré actuellement comme une nécessité ou une marchandise. TroisRivières affiche l’un des plus bas taux d’inoccupation des logements locatifs au Québec avec 0,9 % depuis 2 ans alors que pour que le marché soit considéré comme étant équilibré, la Société canadienne d’hypothèques et de logement indique que le taux d’inoccupation doit se situer autour de 3 %.

« Cette année, confirme Pascale Courchesne, directrice générale de la Fédération des coopératives d’habitation de la Mauricie et du Centre-du-Québecle taux d’inoccupation est à son plus bas et on sent qu’il y a un manque de logements très présent. » Dans le contexte où les prix des logements montent continuellement, qu’en est-il de la réalité des coopératives d’habitation? « Les coopératives d’habitation sont encore en mesure d’offrir des logements de qualité à un coût abordable à leur membres. Ce qui nous distingue est l’implication des membres, les valeurs de solidarité et le fait que nous n’avons pas économiquement un objectif de profit mais plutôt celui d’assurer la pérennité de l’immeuble. » La région de la Mauricie compte 26 coopératives d’habitation, ce qui représente un peu plus de 300 logements coopératifs. « Nous pourrions accueillir d’autres projets semblables, précise madame Courchesne, un projet de 24 unités est d’ailleurs prévu à Trois-Rivières. Mais nous sommes tributaires des programmes de financement fédéraux et provinciaux. »

Centraide a dévoilé récemment un investissement social de plus de 1 500 000 $ auprès des communautés de la Mauricie, afin de renforcer le tissu social de nos régions, Marc H. Plante, directeur développement et partenariats, a soulevé lui aussi la question préoccupante des coûts et de la pénurie de logements en liant cette réalité à la problématique de la pauvreté. « Les enjeux du logement et de la pauvreté touchent directement la qualité de vie des moins bien nantis en plus de freiner sérieusement le développement de leur plein potentiel. C’est en Mauricie que l’on retrouve le revenu par habitant le plus bas au Québec, alors que la pauvreté amène son lot de difficultés dont celle liée au logement. »

BESOINS, DROITS ET SOLUTIONS

« La situation s’aggrave et je suis très inquiète, affirme Diane Boisselle, directrice générale de l’Association québécoise de défense de droits des retraités (AQDR) section Trois-Rivières en Mauricie. Que ce soit pour les jeunes familles ou pour les aîné-es le problème est le même : comment se loger convenablement à prix abordable. Se loger, se nourrir et se vêtir ce sont les besoins premiers de l’être humain. Pourtant plusieurs aîné-es se voient obligé-es d’aller dans des banques alimentaires, se loger dans des endroits inadéquats ou encore prendre leurs médicaments aux deux jours faute de pouvoir se les payer à une fréquence quotidienne. »

La Fédération régionale des OSBL d’Habitation de la Mauricie / Centre-du-Québec, se demande : à quand des mesures structurantes pour le droit au logement ? Son président, Richard Maziade avance que la pénurie et l’inaccessibilité du logement continuent d’aggraver la situation des locataires et que malgré les mesures exceptionnelles mises en place, notamment par les municipalités, aucun changement structurel n’est constaté. La Fédération régionale réclame un plan de sortie de crise axé sur le développement rapide de logements sociaux et communautaires. « Le secteur communautaire détient le potentiel de développer les milliers de nouveaux logements nécessaires, à condition d’avoir les ressources adéquates. » La Fédération régionale cite en exemple l’organisme à but non lucratif J’ai mon appart à Shawinigan qui offre aux adultes vivant avec une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme la possibilité d’avoir leur propre logement tout en bénéficiant d’un accompagnement répondant à leur besoin d’autodétermination.

Diane Vermette, coordonnatrice pendant 20 ans du Comité logement Trois-Rivières ajoute que « dans notre monde où les inégalités vont grandissantes, il faut que des mesures soient prises pour soulager ces injustices. Le logement social est une des solutions qui permettent de rétablir un minimum d’égalité. Le fait de consacrer une part raisonnable de ses revenus pour se loger décemment donne à celles et ceux qui en bénéficient la possibilité de se réaliser et de jouer un rôle de citoyen actif. »