Émilise Lessard-Therrien, L’Indice bohémien,
Abitibi-Témiscamingue, mai 2023
Récemment, les travaux de plusieurs organismes, dont la coalition Québec meilleure mine, nous ont permis d’apprendre que la superficie du territoire sous titres miniers a bondi de 46 % en Abitibi-Témiscamingue, ce qui correspond au tiers de la région. C’est 44 fois la superficie de l’île de Montréal. Quatre fois plus de territoires claimés que d’aires protégées. Ces chiffres frappent l’imaginaire, mais ils n’ont rien d’étonnant lorsqu’on s’attarde à la vision de développement de la filière des minéraux critiques et stratégiques (MCS) du gouvernement de la Coalition Avenir Québec (CAQ).
« Plus de richesses, moins de GES! » clamait François Legault lors de la COP26 à Glasgow en 2021. S’en est suivi le rehaussement de la norme sur le nickel contre l’avis de nombreux experts, puis, récemment, la question de la transition énergétique, qui a véritablement secoué les relations entre la PDG d’Hydro-Québec et la CAQ. Le fil conducteur de tous ces évènements? La décarbonation du Québec qui passera beaucoup par l’électrification des véhicules. Ce nécessaire chantier doit être mis en œuvre rapidement pour atteindre nos cibles de réduction de gaz à effet de serre (GES). Attention, toutefois, car la transformation du parc automobile actuel de cinq millions de véhicules à essence en véhicules électriques ne réglera pas la crise climatique et risque d’écorcher énormément notre territoire et nos communautés.
L’électrification des véhicules ajoutera de la pression sur le réseau d’Hydro-Québec, mais aussi sur l’extraction de nos ressources naturelles particulièrement présentes dans les régions périphériques où les nombreux usages du territoire sont déjà en compétition. Outre la kyrielle de municipalités et de communautés autochtones qui y habitent, on peut penser à l’exploitation forestière et agricole, aux eskers, à la villégiature, aux parcs nationaux et aux aires protégées.
En somme, avec un territoire aussi sollicité, on peut anticiper bien des débats entre l’industrie minière et les populations touchées par autant de claims. Est-ce que tout est incompatible? Bien sûr que non, mais avant de dérouler le tapis rouge aux multinationales milliardaires, étrangères et énergivores pour qu’elles accaparent nos ressources naturelles, il est impératif que nous remplissions nos engagements d’accroître la superficie d’aires protégées à 30 %. En parallèle, un dialogue doit s’enclencher. Quels sont les seuils acceptables des métaux lourds dans notre environnement? Quelles sont les limites de nos écosystèmes et de l’acceptabilité sociale des communautés touchées par cette nouvelle manne que sont les MCS? Comment définir collectivement les conditions gouvernant la présence de l’industrie minière dans nos vies?
Une fois les conditions sociales et environnementales respectées, il devient urgent d’exiger la transformation, le recyclage et la valeur ajoutée de la matière première dans les régions où elles sont extraites. Plus important encore, le gouvernement devrait déployer autant d’énergie au développement de solutions de remplacement à l’auto solo qu’à l’électrification des automobiles.
Ne devenons pas un bar ouvert. Utilisons plutôt notre intelligence collective pour éviter les tensions et les déchirements dans les communautés concernées par ce nouveau boom minier.