Marie-Josée Richard, Graffici, Gaspésie, décembre 2011
Depuis l'an dernier, une antenne relais de téléphonie mobile est érigée derrière le bureau municipal du village de La Martre, comme dans 50 autres lieux en Gaspésie, la plupart du temps au coeur des villages. De nouvelles connaissances pourraient rouvrir le débat concernant la proximité de ce type d'antenne des lieux publics et des résidences.
René Faulkner, qui habite à quelques mètres de l'antenne relais (aussi appelée station de base), voit plutôt sa venue d'un bon oeil: elle rime avec un accès plus rapide à Internet. Mais pour lui, l'antenne n'est pas un «plus» dans le paysage: «C'est sûr qu'en tant qu'artiste en arts, visuels, je ne trouve pas ça beau; remarquez que je n'aime pas plus les poteaux de téléphone. Moi, je ne pense pas que ce soit dangereux. Santé Canada a donné son OK; il faut faire confiance un peu.»
Impossible, de toute façon, de se prononcer contre l'érection de l'antenne en prétextant de possibles risques sur la santé ou sur une dévaluation de sa propriété, stipule le règlement CPC 2-0-03 d'Industrie Canada, qui régit l'installation des antennes au pays.
«Le problème avec les antennes relais, c'est que l'on ne connaît pas encore les effets d'une exposition à long terme sur la santé humaine», explique Olivier Bourgeois, analyste en énergie chez Option Consommateurs, un organisme indépendant visant à informer et à sensibiliser la population sur des enjeux de santé publique.
Cette incertitude a mené des organismes en province à plaider pour l'application du principe de précaution, comme en témoignent plusieurs rapports déposés le Il octobre lors de séances de l'Office de consultation publique de Montréal (OCPM) sur les antennes relais (ocpm.qc.ca/antennes), en vue de réglementer leur installation. À Paris, un niveau plafond lié aux radiofréquences (aussi appelées micro-ondes) a été adopté afin de protéger la population. Cette initiative est louangée par plusieurs organismes ayant remis un mémoire à l'OCPM.
«Les antennes ne devraient pas être érigées à l'intérieur de 300 à 500 m des lieux publics et des résidences», estime François Therrien du Collectif Sauvons nos enfants des micro-ondes (SEMO). À la Commission scolaire de Montréal, on s'inquiète de la proximité des antennes relais des garderies et des écoles.
Quoiqu'il en soit, la distance seule ne peut être prise en compte. Plusieurs autres facteurs tels que la puissance, la fréquence et le type de transmetteur de l'antenne, ou le temps passé dans une région particulière du champ de radiofréquence, doivent être considérés, selon un rapport de l’institut national de santé publique du Québec.
Serait-on moins exposés aux radiofréquences en zone rurale? «C'est un mythe qui perdure, commente M. Bourgeois. À la campagne, là où la densité de la population est moindre, certaines antennes doivent émettre un signal plus fort pour rejoindre un plus vaste territoire. Celle plantée au parc du Bic est bien plus puissante que celle du MontRoyal», avance-t-il à titre d'exemple.
Réglementation à revoir
«Les radiofréquences constituent une pollution environnementale, au même titre que la fumée secondaire, avance M. Bourgeois. Il y a 50 ou 60 ans, on croyait que la fumée de cigarette pouvait guérir les maux de gorge: ceci démontre bien que l'état des connaissances évolue!» Selon lui, il faut ajuster la réglementation à la lumière de ces nouvelles connaissances.
Le SEMO et Option consommateurs déplorent que la réglementation canadienne concernant l'exposition humaine aux radiofréquences soit 1000 fois moins sévère que celle appliquée dans d'autres pays. Ils souhaitent que la limite passe de 10000000 à 1000 microwatts/m2, soit le seuil déjà en vigueur en Toscane (Italie), à Salzbourg (Autriche) et à Valence (Espagne).
Le 31 mai dernier, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) dévoilait un rapport classant les champs électromagnétiques de radiofréquences comme étant «peut -être cancérogènes pour l'homme ».
Puis, le 4 octobre, Santé Canada a modifié sa position par rapport aux risques potentiels des radiofréquences sur la santé humaine. «Alors que l'on disait que le risque était nul, voici que l'on demande à la population de limiter son usage du cellulaire, en envoyant plutôt des textos» résume M.Bourgeois.
«Le niveau d'exposition d'un utilisateur de téléphone cellulaire est de 100 à 100000 fois plus élevé que celui d'une personne vivant à proximité d'une station de base», indique un rapport de l'Institut national de santé publique du Québec. Pourquoi? « L’antenne du téléphone cellulaire est située à quelques centimètres de la tête de l'utilisateur.»
Selon les personnes interrogées, et de l'avis de Santé Canada, s'il y a consensus sur l'existence d'effets aux radiofréquences, c'est bien que les recherches doivent se poursuivre.