Le prix de la lenteur

Steven Roy Cullen, La Gazette de la Mauricie, Trois-Rivières, Octobre 2022

 

Énercycle, notre régie intermunicipale de gestion des déchets en Mauricie, nous annonce une augmentation des tarifs pour le 1er janvier prochain. Un énième poste de dépenses affecté par l’inflation. Mais l’inflation est-elle la seule à blâmer

En janvier prochain, Énercycle augmentera les tarifs de l’enfouissement, de la collecte sélective, des écocentres et de la vidange des boues de fosses septiques. Cette hausse se répercutera éventuellement sur nos comptes de taxes et entraînera des dépenses supplémentaires récurrentes de l’ordre de 69 $ à 129 $ par ménage selon qu’on est raccordé ou non à un réseau d’égouts municipaux. À cela s’ajoute les 110 $ récurrents par ménage que nous coûtera le nouveau service de collecte de porte en porte de matières compostables.

Visiblement irrités, certains citoyens dénoncent la décision d’implanter ce service en pleine période inflationniste. Même le maire de Louiseville, Yvon Deshaies, estime le moment bien mal choisi pour parler d’environnement.

 

Des années de retard

Sans leur donner raison, il est vrai que ces frais additionnels tombent bien mal. En fait, nous payons le prix d’années de retard dans le dossier de la collecte des matières organiques.

Je me rappelle les échanges lors de la dernière révision du Plan de gestion des matières résiduelles de la Mauricie en 2016 alors que j’agissais comme commissaire. D’un côté, les citoyens et citoyennes s’impatientaient devant l’absence de collecte de matières organiques. De l’autre, les élus mettaient le pied sur le frein.

Il faut comprendre qu’en Mauricie, les municipalités sont propriétaires et gestionnaires par l’intermédiaire d’Énercycle du lieu d’enfouissement de Saint-Étienne-des-Grès. Or, c’est en enfouissant qu’on rentabilise un lieu d’enfouissement. Autrement dit, en instaurant la collecte des matières compostables, on se prive de revenus.

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Cette analyse fait bien sûr abstraction des coûts évités et des revenus générés par la nouvelle collecte, mais elle explique en partie le retard. Ajoutez à cela l’expérience cauchemardesque de Compostage Mauricie inc. à Saint-Luc-de-Vincennes et vous avez tout le nécessaire pour rendre les décideurs frileux.

Toujours est-il qu’en reportant continuellement la mise en place du service requis par la loi à compter de 2025, les élus ont probablement fait augmenter la facture. La classe politique a donc sa part de responsabilité dans la hausse tarifaire chez Énercycle, mais elle n’est pas seule à porter ce fardeau.

Une surconsommation toujours présente

Nous, les Mauriciennes et Mauriciens, sommes aussi en partie responsables de l’augmentation annoncée des tarifs. En fait, nous consommons encore trop. Et, cette consommation génère des déchets qui doivent être gérés par Énercycle.

Malgré une légère baisse de la quantité de déchets résidentiels envoyée à l’enfouissement (- 4 %) et au recyclage (- 8 %), depuis 2014, nous faisons essentiellement du surplace. En 2019, Énercycle a dû gérer 520 kg par habitant de matières résiduelles provenant de nos résidences, soit quasiment la même quantité qu’en 2014.

Dans les dernières années, les écocentres ont connu une forte croissance d’achalandage et ça se reflète dans les chiffres. En effet, la quantité totale de matières gérées par les écocentres de la Mauricie est passée de 16 370 tonnes en 2014 à 24 264 tonnes en 2019. Il s’agit d’une augmentation de 48 % !

Il faut se réjouir que les gens adoptent les écocentres. Ça signifie que davantage de déchets prennent le chemin de la valorisation plutôt que celui du dépotoir. Par contre, le meilleur déchet, et aussi le moins cher, est celui que nous ne produisons pas.

On ne pourra jamais complètement éviter l’inflation, mais si nous agissons avec le soutien de la classe politique vers une réduction substantielle de notre consommation, nous éviterons une seconde facture salée chez Énercycle tout en allégeant la pression sur nos budgets personnels. Comme quoi agir pour l’environnement, c’est aussi bon pour le portefeuille.