La colonelle Marie-Christine Harvey est toujours impressionnée de voir la motivation et la fierté des membres du 5ième GBMC avant le départ pour un déploiement. « C’est toujours aussi frappant de voir à quel point nos soldats aiment se déployer à l’étranger, même dans le contexte international actuel. » (Crédit photo : Bureau des affaires publiques, base de Valcartier)

Faire carrière dans l’armée

Philippe Fortin, La Quête, Québec, Septembre 2022

 

Colonelle Marie-Christine Harvey 

Elle est la première femme à commander une brigade mécanisée au Canada. Elle s’est enrôlée il y a 26 ans afin de tester ses limites. Son engagement militaire lui en aura donné l’occasion à plus d’une reprise. *La Quête* s’est entretenue avec la colonelle Marie-Christine Harvey, la commandante du 5e Groupe brigade mécanisée du Canada (GBMC), à Valcartier. 

 

Le commandement d’une brigade mécanisée représente une étape marquante dans le cheminement professionnel d’un officier supérieur. Au pays, il n’y en a que trois, une à Valcartier, une à Petawawa en Ontario et l’autre à Edmonton. Commander ce type d’organisation, c’est d’être à la tête d’environ 5000 personnes. Une brigade regroupe différentes unités, appelées régiment ou encore bataillon. Celles-ci offrent une variété de spécialisations professionnelles militaires qui fournissent aux brigades la capacité de mener des opérations au Canada ou encore à l’étranger. 

 

Originaire de la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, Marie-Christine Harvey cherchait l’aventure. Elle joint la Réserve comme soldat d’infanterie alors qu’elle n’était pas encore majeure. Ses parents ont d’ailleurs dû autoriser son enrôlement. Elle est familière avec l’environnement militaire depuis son enfance, car son père avait fait carrière dans l’aviation. De nature un peu hyperactive, confie-t-elle, elle s’est sentie appelée par le service sous les drapeaux. Elle raconte qu’elle avait « le désir et le besoin d’assouvir un sentiment d’accomplissement et de comprendre mes limites, autant physiques que psychologiques. »

 

Une fois en uniforme, avec un peu plus d’expérience, Mme Harvey explique qu’elle a alors réalisé l’ampleur de sa passion. « J’ai réalisé que j’avais joint quelque chose de beaucoup plus grand que moi. Tout ce que j’avais envie d’accomplir, je l’accomplissais. J’étais stimulée. » La vie militaire offre une panoplie de raisons d’apprécier son travail. Mais la commande identifie en premier lieu les membres qui y servent pour lesquels elle a toujours eu un profond respect. « Ce qui me passionne le plus dans mon métier, ce sont les gens. Et ce qui me passionne de nos gens, c’est quand ils sont authentiques et qu’ils sont eux-mêmes. » 

 

Il est difficile de passer à travers toutes ces années en service sans faire face à son lot de défis. Mme Harvey n’y échappe pas. Elle est la mère de deux adolescents, de 13 et 16 ans. Pendant son commandement de la base de Valcartier, sa famille demeure à Gatineau. Sur les cinq dernières années, elle en a vécu trois à travailler à l’extérieur. « Le quotidien, je ne le passe pas avec eux », souligne la militaire. Pour elle, il est donc question de trouver l’équilibre fragile entre la famille et l’engagement militaire. « Mes enfants acceptent que je vive ma passion, mais il y a des impacts, c’est certain. »

 

Et pour la suite

 

En cherchant à comprendre si les raisons pour lesquelles elle continue de servir changent avec les années, Mme Harvey soutient que « les remises en question sont saines ». Au cours d’une carrière, un officier apprend avant tout à diriger des subordonnés. Le leadership senior de l’organisation s’occupe de diriger l’institution et d’ainsi l’orienter vers les nouveaux objectifs. Pour Mme Harvey, le bonheur se trouvait au niveau tactique, avec les troupes, à proximité des unités opérationnelles. Son commandement du 5e GBMC tire à sa fin et elle demeure bien consciente que la suite sera concentrée davantage sur l’institution que sur ses membres. Dans les forces armées canadiennes (FAC), les positions de commandant sont d’une durée prédéterminée de deux ans. Une fois passé le niveau d’une brigade, les officiers sont généralement employés dans des positions de leadership qui les éloignent des soldats et du terrain. 

 

Elle devra ainsi quitter les troupes qu’elle affectionne tant, non sans un pincement au cœur. Colonelle Harvey demeure humble face aux succès qui ont rempli sa carrière dans les FAC. Même à la tête d’une brigade, elle continue de croire au potentiel des gens qui l’entourent et qui servent sous ses ordres. « Ce qui fait la force d’une brigade, d’une unité ou d’une sous-unité, c’est tous ses gens et non une personne. On a besoin de tout le monde pour que ça fonctionne. »

 

Un conseil aux jeunes qui souhaitent s’engager ? « Profitez de chaque instant », lance Mme Harvey. Beaucoup de choses imprévues surviennent durant une carrière militaire et la commandante encourage les nouveaux venus à « vivre pleinement chaque moment sans chercher à trop calculer la suite. » Elle fait confiance en cette institution qui lui a tant offert depuis bientôt trois décennies. 

 

En ce qui concerne la prochaine étape, Colonelle Harvey fait face à une période d’incertitude. Elle est reconnaissante d’avoir pu commander la brigade de Valcartier. « C’est un privilège de leader des gens aussi compétents que ceux du 5e GBMC. » Elle n’est toutefois pas en mesure de voir clairement ce qui sera la suite pour elle. « C’est la fin pour moi du niveau tactique, la raison pour laquelle on s’enrôle. C’est où ma place dans le futur, c’est un questionnement que j’ai en ce moment. »

 

Philippe Fortin

 

Exergue 1 

« J’avais le besoin d’assouvir un sentiment d’accomplissement et de comprendre mes limites, autant physiques que psychologiques. »

 

~ Colonelle Harvey

 

Exergue 2

 

« J’ai réalisé que j’avais joint quelque chose de beaucoup plus grand que moi… »

 

~ Colonelle Harvey