Une relation à redéfinir

Philippe Fortin, La Quête, Québec, Septembre 2022

 

Les élections provinciales donneront le ton quant aux relations à prévoir entre les municipalités et le nouveau gouvernement élu. Avec de gros projets sur la table pour la capitale, les débats politiques et les engagements ne manquent pas. Mais la dynamique entre les deux paliers de gouvernement est en transformation. Afin d’en cerner certains impacts, *La Quête* a rencontré Philippe Dubois, professeur adjoint à l’école nationale d’administration publique (ENAP).

 

Difficile d’aborder le sujet des relations entre le palier municipal et provincial sans comparer avec le passé. La Ville de Québec a eu un maire charismatique pendant de nombreuses années et son départ vient avec des changements. Bruno Marchand a eu à faire face à l’héritage de son prédécesseur. Assez rapidement, il est devenu clair que le nouveau maire souhaitait garder une position forte face au gouvernement provincial. « M. Marchand s’inscrit dans la continuité, à savoir qu’il pense comme son prédécesseur et comme les élus plus jeunes du palier municipal », explique M. Dubois. Il continue en spécifiant qu’ils « se voient comme le palier de proximité, comme les spécialistes de leur milieu et que c’est eux qui devraient être les promoteurs et les leaders des projets locaux. » La CAQ se voit aussi en promoteur des projets locaux, dans une vision dite régionale. « C’est une vision un peu plus classique de la relation du Québec envers ses municipalités et c’est ça qui a donné lieu aux accrochages que l’on a vus dans les médias », soutient le professeur.

 

  1. Dubois souligne que la relation entre le municipal et le provincial est en pleine redéfinition. « La reconnaissance du gouvernement de proximité c’est récent. Le rôle des municipalités et comment elles se voient changent. » Il note que les intérêts politiques des électeurs évoluent aussi. « Nous ne sommes plus dans une logique souverainiste avec les bleus contre les rouges, ce sont les tiers partis qui ont pris le devant de la scène. » Il précise à ce sujet que la CAQ « est le premier gouvernement depuis 1976 qui n’est pas formé par l’un des deux partis traditionnels. » Tandis que dans les conseils de ville « les élus sont plus jeunes et plus professionnalisés. Tout ce bouillonnement-là crée une redéfinition des relations et des pratiques ».

 

Quel type de relation est à prévoir devant cette nouvelle dynamique politique au Québec ? « Je pense que ça va bien se passer », assure M. Dubois ajoutant que « personne n’a intérêt à se chicaner, surtout pas en début de mandat. Des chicanes, ça peut être long et tout ce qui traîne en politique a tendance à salir les gens qui sont impliqués. » Malgré les accrochages récents, avance-t-il, « la CAQ a fait preuve de bonne foi et les mairies aussi. On est capable de trouver des solutions à des projets qui semblent perdus d’avance. C’est encourageant. » Selon le professeur de l’ENAP, les attentes des électeurs évoluent également et les élus doivent le comprendre. « L’appétit n’est pas pour la confrontation. Si les électeurs sont moins intéressés à la confrontation fédérale-provinciale, ce n’est pas pour la remplacer par une confrontation municipale-provinciale. Les gens s’attendent à ce que les choses fonctionnent. »

 

Le professeur soutient que « la scène municipale est mobilisée et de plus en plus intéressée par son propre sort. Il y a une conjoncture favorable aux élus municipaux et ils ont soif d’en profiter. » Pour le maire Marchand, le défi sera de conserver le rôle que la Ville de Québec a joué sous le maire Labeaume. « La mairie de Québec devra s’assurer de conserver un lien privilégié » avec le nouveau gouvernement. Un rôle que M. Marchand réussit à remplir jusqu’à maintenant, selon M. Dubois. « Il a réussi à s’imposer, à imposer son style et à rallier les gens. Ça traduit selon moi un sens politique assez développé. »

 

Reste à savoir dans quelle mesure les deux paliers pourront collaborer de façon constructive pour le bienfait des citoyens. La vision régionale du premier ministre sortant amenait certaines frictions, mais le positionnement favorable des élus municipaux donne de l’envergure à leur prise de position. Cette redéfinition des relations et des engagements politiques du palier provincial face aux municipalités se précisera après les élections.