Guy Messier, Le Félix, Saint-Félix-de-Kingsey, novembre 2011
Il y a longtemps, il a suffi de poser des plasters là où ça faisait trop mal: un peu d'assurance-chômage quand on déménage l'usine ailleurs, là où les salaires seront plus bas et le profit, meilleur, afin que les ouvriers qui restent ici, sur le carreau, ne meurent pas complètement de faim; un peu de logements sociaux, ce qui va nous permettre, nous les propriétaires, de continuer à produire des logements à des coûts de moins en moins abordables; un peu d'aide sociale pour empêcher les démunis de vandaliser les magasins d'alimentation; un peu d'assurance-récolte pour que les agriculteurs puissent continuer à payer les machines que nous leur avons vendues, nous les Case et Massey-Ferguson de ce monde; un peu de « bonus de vie chère », de " minimum de revenu garanti « , .. . Je m'arrête, mais la liste des plasters est encore longue.
Pendant longtemps, ceux qui s'achetaient une maison ont dû s'arracher le coeur pour payer leur hypothèque à des taux exorbitants, dans les dix-huit ou vingt pour cent. Lorsque les taux sont redescendus à un ou deux pour cent, les bankgters (contraction des mots banquiers et de gangsters entendue à la radio!) ne faisant plus autant d'argent, ont inventé une ignominie appelée surprime, une méchante combine qui a fini par jeter des millions de personnes à la rue. Ainsi va le monde des banques, pendant que, de leur côté, les traders de tout acabit, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, font valser les places financières de la planète et s'en mettent plein les poches. « En 2010, les primes totales versées par les banques de Wall Street s'élevaient à 135 milliards, alors que l'économie américaine est toujours chancelante », citait le Devoir du 15 et 16 octobre 2011.
Il semble que nous nous laisserons de moins en moins « conduire en bateau ». Nous nous rendons compte que nous avons perdu le contrôle de nos vies, que la démocratie n'a plus guère de signification, que nos politiciens sont de plus en plus à la solde des corporations, leur fournissant tout l'argent qu'elles veulent, créant ainsi des abîmes dans les finances publiques. Partout, les gens se lèvent, campent dans les parcs, Ils en ont ras le bol. Nous sommes quatre-vingt-dix-neuf pour cent disent-ils, à peiner, à manquer du nécessaire, à ne plus être en mesure de vivre décemment, pendant qu'un petit un pour cent de bankgsters et associés s'enrichissent à nos dépens. Sans égard pour la planète, d'ailleurs, l'assoiffant et la pillant sans vergogne.
Commencée le 17 septembre dernier, l'occupation du Zocotti Park, Occupy Wall street, de façon remarquable, se poursuit toujours, au moment où j'écris ces lignes, et a fait tache d'huile: larges mouvements de protestation à la grandeur de l'Amérique du Nord durant la fin de semaine de l' Action de grâces – dans 1500 villes selon les journaux. Protestations qui suivaient celles de Madrid, de Rome et d'ailleurs, un peu plus tôt, cette année. Nul ne sait où ça va nous mener.