Pierre Lefrançois, Le Saint-Armand, Armandie, août-septembre 2021
Les lois du Québec qui réglementent la gouvernance municipale prévoient que les délibérations des élus surviennent dans un contexte public et transparent, comme c’est d’ailleurs toujours le cas en démocratie, quel que soit le pays ou le pallier de gouvernement. C’est un principe général sur lequel toutes les législations s’entendent et qui est dument inscrit dans les procédures de délibération de toutes les institutions démocratiques.
Or, durant la pandémie, les mesures sanitaires ont limité les possibilités d’assurer la tenue d’assemblées municipales publiques. Le gouvernement a donc décidé d’agir par décrets et par d’arrêtés ministériels pour éviter que la transparence ne soit compromise en matière de gouvernance municipale. Ainsi, dès le début de la pandémie, un arrêté du 26 avril 2020 autorisait la tenue d’une séance d’un conseil municipal par tout moyen permettant à ses membres de communiquer directement entre eux et de voter de vive voix. Par exemple, une municipalité pouvait organiser une séance en visioconférence ou par téléphone et y autoriser la participation du public.
Si une municipalité se trouve dans l’impossibilité de permettre aux citoyens d’assister aux séances ou est contrainte de limiter le nombre de personnes pouvant y participer, l’arrêté précise qu’elle doit obligatoirement publier, dès que possible, un enregistrement audio ou audiovisuel de la séance afin de permettre aux citoyens qui le désirent de connaître la teneur des discussions entre les membres du conseil et le résultat de leurs délibérations. À défaut d’un tel enregistrement, les autorités municipales doivent produire une retranscription écrite intégrale des délibérations (y compris les questions des citoyens et les réponses qui leur ont été données par les élus ou le personnel) et de rendre le document accessible au public dans les meilleurs délais.
Le 4 juillet 2020 s’ajoutait également l’obligation, pour toute municipalité, de permettre la transmission de questions écrites aux membres du conseil à tout moment avant la tenue de la séance. On prendra note du fait que cette exigence s’applique pour toute séance qui, en vertu de la loi, doit comprendre une période de questions. Dans le cas où la présence du public est permise, la transmission de questions écrites s’ajoute à la période de questions verbales normalement prévue par la Loi sur les cités et villes ou le Code municipal du Québec.
Un changement durable ou temporaire ?
Dans la réalité, ces directives ministérielles n’ont pas nécessairement toujours été respectées intégralement dans toutes les municipalités. Il a fallu que les élus et le personnel fassent l’apprentissage de certaines technologies et acquièrent l’expertise nécessaire pour répondre à cet objectif. Il y a de sérieuses poches de résistance mais, dans l’ensemble, on a fait preuve de bonne foi et les résultats sont probants : là où les directives ont été respectées, la participation des citoyens aux assemblées virtuelles a été étonnamment importante et quand les enregistrements des séances étaient rendus disponibles, les citoyens étaient nombreux à les consulter et à se les échanger entre eux. Bref, ces initiatives ont eu pour effet d’accroître l’implication citoyenne dans la gouvernance municipale. Plusieurs ont découvert certains avantages à la possibilité d’assister et de participer à des assemblées municipales dans le confort de leur foyer, voire y assister en différé lorsqu’il leur était impossible de le faire le soir de l’assemblée ou pour réentendre les détails des délibérations au besoin. Sans compter le fait que les débats sont généralement empreints de civilité et de bonne foi lorsque chacun sait que ses propos sont enregistrés et seront rendus publics.
Il est difficile de mesurer avec précision l’ampleur de l’amélioration, mais le phénomène est clairement visible, ce qui n’a pas échappé aux observateurs de la scène municipale. Si bien que des voix s’élèvent maintenant pour demander au gouvernement de maintenir ces consignes après la levée des restrictions sanitaires, parce qu’on peut constater qu’elles sont de nature à bonifier la gouvernance démocratique de proximité.
Comment cela se passe-t-il chez-vous ?
Consultez le site web ou la page Facebook de votre municipalité ou donnez un coup de fil au bureau municipal afin de savoir si vous pouvez assister aux assemblées virtuelles ou consulter les enregistrements des assemblées, comme l’exigent les décrets et arrêtés ministériels édictés depuis 2020. Les consignes gouvernementales à l’intention des municipalités étaient toujours en vigueur au moment d’écrire ces lignes, le 4 août 2021.
Plusieurs décrets et arrêtés ministériels ont été émis à ce sujet par le gouvernement Legault depuis le début de la pandémie. Ils sont très clairs et ils ont tous été dument transmis aux municipalités. Il est d’ailleurs possible de les consulter en ligne :
https://www.quebec.ca/sante/problemes-de-sante/a-z/coronavirus-2019/mesures-prises-decrets-arretes-ministeriels (voir notamment les arrêtés 2020-029 et 2020-049).
Assemblées municipales en présence
Comme toutes les municipalités de l’Armandie sont désormais de retour en zone verte, il est de nouveau possible de tenir des assemblées municipales en présence des élus et du public, comme l’exige la loi. Les municipalités ont-elles toutes repris les assemblées publiques à ce jour ? Les séances sont-elles enregistrées ? Si oui, les enregistrements sont-ils rendus disponibles aux citoyens ?
Voici ce qu’un petit sondage maison nous apprend à ce sujet : sur le territoire des dix municipalités de l’Armandie, seules la ville de Dunham et la municipalité du Canton de Bedford ne tiennent pas encore d’assemblées publiques. Elles sont cependant tenues, pour cette raison, d’enregistrer les assemblées virtuelles et de rendre publics les enregistrements dans les plus brefs délais. Visiblement, tous n’interprètent pas les consignes gouvernementales de la même manière. L’obligation de transparence rencontre des poches de résistance. Le droit de savoir ne semble pas avoir la même importance pour tous.
Au ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH), on nous dit que la décision de reprendre ou non les assemblées en présence est laissée à la discrétion des conseils municipaux, tant que la pandémie ne sera pas totalement chose du passé et que les mesures sanitaires ne seront pas entièrement levées.
Le fonctionnaire du MAMH auquel nous avons parlé a cependant rappelé que, si une municipalité doit limiter, en raison des mesures sanitaires, le nombre de personnes du public pouvant assister aux assemblées, elle a l’obligation d’enregistrer ses séances et de les diffuser intégralement dans les plus brefs délais.
Des élus pourraient-ils chercher à profiter de la situation, histoire de ne pas se soumettre à l’obligation de transparence imposée par la loi ? C’est fort possible et, dans ce cas, fort regrettable. La vigilance s’impose afin d’éviter les dérapages. Il peut être tentant, à la veille d’une élection, de tenir les électeurs à l’écart.