Éric Cyr, Le Trait d’union du Nord, Fermont, le 26 décembre 2019
Quiconque a déjà emprunté la fameuse route interprovinciale 389 a déjà aperçu les monts Groulx. Mais admirer leurs sommets enneigés à l’horizon et affronter leur rigueur durant la saison hivernale c’est une tout autre paire de manches. Installé dans une tente de prospecteur avec un poêle de camp, c’est pourtant ce qu’a entrepris le sapeur-pompier professionnel à la retraite, Philippe Guimon, afin de réaliser un rêve qu’il caresse depuis longtemps.
Aux antipodes du pensionné
Aujourd’hui grand-père, l’aventurier français a déjà fait partie d’un régiment d’élite de l’armée de terre française durant son service militaire et d’une escouade de secours spécialisée en plongée souterraine (spéléoplongée). D’ailleurs, il a failli se noyer dans le cadre d’une mission alors qu’il est resté coincé dans une étroiture. Le parcours inusité de l’homme, qui habite sur une île au confluent de la rivière Maine et de la Loire, dernier fleuve sauvage d’Europe, a cependant commencé le jour où sa mère a eu la bonne idée de l’inscrire chez les scouts, point de départ de son amour pour la nature qui a guidé sa vie. Que dire de sa période « baba cool » à l’époque de la révolution culturelle de mai 1968 en France où, après avoir fréquenté l’École d’agriculture, il gardait des moutons de façon idyllique. M. Guimon a conservé la rigueur des pompiers de Paris et n’a pas peur de relever des défis : pèlerinage de Compostelle, tour de l’Hexagone à cheval qui a duré quatre mois, il collectionne les voyages d’exploration comme celui en Alaska, où il est tombé nez à nez avec un ours grizzli qu’il souhaitait photographier sur une plage. Nulle raison d’en douter il porte un gilet de Kodiak Island. Il a aussi visité la seconde plus grande réserve naturelle aux États-Unis après Yellowstone, le parc Denali où il a vu le fameux bus du film Vers l’inconnu (Into the Wild) adapté du récit Voyage au bout de la solitude et a fait face à un loup noir famélique.
Dans les Groulx
M. Guimon, qui a été bien aiguillé par le guide d’aventure, Guy Boudreau, a choisi d’affronter le froid en passant l’hiver dans la solitude de ces hautes montagnes nommées Uapishka par les Innus, ce qui signifie sommets blancs puisqu’ils sont enneigés presque à l’année. Après avoir observé une martre qui dansait autour de son camp et qui s’est mise à courser un lièvre, il a voulu rendre hommage au mustélidé en baptisant sa tente du mot innu-aimun désignant cet animal : wapishtan. Rencontré lors d’un ravitaillement à Fermont, il explique qu’il mène en parallèle une démarche d’écriture où il relate son expérience « Je suis une victime des écrits de Jack London. » Selon lui, sa présence dans l’immensité naturelle des monts Groulx, qu’il considère comme un lieu de ressourcement, se résume un peu à un voyage intérieur en harmonie avec les éléments et l’environnement le tout orienté vers l’essentiel, mais où il met son mental à rude épreuve.
« Le quotidien se fond dans le basique : se réchauffer, manger et se protéger, donc survivre. Ça tourne autour du fondamental, mais dans le respect de cet espace grandiose et merveilleux qui fait partie des dernières terres virginales à protéger. Il faut absolument préserver le cachet naturel de ce joyau écologique si convoité des amateurs de plein air à travers le monde. C’est plus qu’un devoir, c’est une obligation. »
Les monts Groulx font partie de la réserve de la biodiversité Uapishka constituée par le gouvernement du Québec en 2009. Cette aire protégée englobe le tiers ouest du massif montagneux. L’ensemble des monts Groulx, incluant le réservoir Manicouagan et la rivière Manicouagan, ont aussi été reconnus en 2007 comme faisant partie de la Réserve mondiale de la biosphère Manicouagan-Uapishka (RMBMU), une désignation internationale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO).
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