Rémy Bourdillon, Le Mouton NOIR, Rimouski, le 19 mai 2019
« Quand on a reçu l’invitation, on s’est dit qu’on irait voir ces “révolutionnaires”. On croit tous les deux qu’il vaut mieux s’organiser que se faire organiser. » Depuis plus de quatre ans, Arlène Cotton et son conjoint James sont présents à presque toutes les assemblées citoyennes mensuelles de l’Initiative citoyenne indépendante (ICI) St-Robert au centre communautaire. Et la révolution qu’on y prépare est somme toute modeste : on parle de la vie du quartier St-Robert à Rimouski, d’aménagement de parcs, de verdissement des rues, etc.
Raphaël Arsenault l’avoue, il visait quelque chose d’un peu plus engagé quand il a lancé ICI St-Robert, fin 2014. « Je voulais créer un contre-pouvoir à celui de la Ville. Mais dans les premières réunions, on s’est rendu compte que les gens venaient de toutes les sphères de la société, et voulaient de l’action constructive plutôt que de la réflexion et de l’opposition. On s’est donc mis à travailler sur des projets précis, en partenariat avec les organismes ou les commerces du quartier. Cependant, on tient mordicus à rester indépendants du pouvoir politique. »
Et les projets ne manquent pas : les assemblées citoyennes ont déjà débouché sur la création d’un jardin communautaire, l’élaboration d’un guide pour la plantation d’arbres à l’attention des citoyens et des citoyennes du quartier, le dépôt de deux mémoires à la Ville… et le groupe planche maintenant sur l’aménagement d’un parc dans la cour de l’école de l’Aquarelle, accessible autant aux enfants qu’aux résidents des rues avoisinantes.
Une structure qui évolue
Chaque assemblée citoyenne débute par une présentation qui concerne la vie de quartier, faite par un intervenant extérieur. Au fil des ans, on a ainsi pu s’informer sur l’aménagement du parc Lepage, suivre un débat électoral ou comprendre la Déclaration d’urgence climatique signée par la Ville de Rimouski. Puis on fait le bilan de l’avancement des différents projets. En avril, pour la première fois, une plénière a été testée afin de pouvoir discuter de tout et de rien.
La structure même des réunions est élaborée démocratiquement et est un ouvrage cent fois remis sur le métier. « Il nous a fallu un an et demi pour établir nos principes fondateurs, à raison de 20 minutes de discussion par rencontre », rappelle Raphaël Arsenault. La structure peut parfois devenir trop lourde, admet-il, mais Arlène Cotton ne seconde pas : « J’aime que ce soit structuré, parce que ce n’est pas juste un endroit pour discuter. » Trouver l’équilibre entre organisation et plaisir n’est pas toujours facile, mais « quand on veut faire de la démocratie participative, il faut concéder qu’il y a différentes approches, tranche Raphaël. Il y a un réel plaisir à diverger d’opinions, puis à chercher un consensus. » Toutes les décisions d’ICI St-Robert sont prises sur ce mode.
« Pour que ça marche, il faut que le conseiller municipal embarque », souligne Claire Dubé, elle aussi abonnée à ces séances collectives de démocratie. Elle en sait quelque chose : elle a été conseillère du quartier et a défendu les dossiers d’ICI St-Robert au conseil municipal. Le nouvel élu, Jocelyn Pelletier, a pris le relais, respectant toujours l’indépendance de l’assemblée.
Une légitimité pas encore acceptée
Ce début d’année a été marqué par une mauvaise nouvelle. Le conseil municipal a fixé deux conditions pour que les assemblées citoyennes puissent utiliser gratuitement un centre communautaire : que le conseiller municipal lui-même réserve la salle et qu’il rédige l’ordre du jour. Le maire Marc Parent craint qu’il suffise à quiconque de prétendre appartenir à une assemblée citoyenne pour obtenir un accès gratuit à un local.
« Cette réponse de la Ville, c’est la réponse de quelqu’un qui tente de contrôler l’implication citoyenne au lieu de l’accueillir », commente Raphaël Arsenault. Il soutient qu’en distribuant plus de 1 200 invitations par mois dans les boîtes aux lettres du quartier et en rendant publics les procès-verbaux, l’assemblée citoyenne fait la preuve de son sérieux. « Ce qu’on veut, c’est que les gens se prennent en main sur leur territoire. »
Et St-Robert est le meilleur endroit pour le faire, croit Arlène Cotton : « Ce n’est pas un quartier-dortoir, mais un quartier historiquement ouvrier où il y a beaucoup d’entraide. Il y a un très fort sentiment d’appartenance. » De son côté, Claire Dubé souligne la grande diversité socioéconomique du district, qui offre un beau défi : celui de réussir à faire dialoguer des gens de différents univers. En ces temps marqués par la colère, la division et l’autoritarisme, ICI St-Robert entend répondre à la demande grandissante pour davantage de démocratie participative.