Éric Cyr, Le Trait d’union du Nord, Fermont, le 17 décembre 2018
La saga se poursuit et se complexifie dans le dossier de la poursuite de 900 M $ intentée par des Innus contre la minière IOC dont l’actionnaire principal est Rio Tinto. La Cour suprême du Canada a accepté, le 15 novembre dernier, d’entendre l’appel du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador qui conteste une décision de la Cour supérieure du Québec et de la Cour d’appel du Québec.
Frontière artificielle
Les Premières nations innues de Uashat mak Mani-utenam (Sept-Îles) et de Matimekush-Lac-John (Schefferville) sont déçues de la décision rendue par la Cour suprême du Canada qui a accepté d’entendre un appel de Terre-Neuve-et-Labrador sur la compétence des tribunaux du Québec dans le cadre de cette poursuite après que les plus hautes instances judiciaires québécoises avaient statué qu’elles détenaient le pouvoir de légiférer sur les mines qui se trouvent à la frontière du Québec et du Labrador et donné gain de cause aux Innus. Le gouvernement terre-neuvien et labradorien soutient que « les tribunaux du Québec n’ont pas la compétence pour se prononcer sur des activités et des terres allant au-delà des limites territoriales de la province. » Il y aura donc une audition devant le plus haut tribunal canadien afin de déterminer si les tribunaux québécois peuvent juger de la question de la violation des droits des Innus à la frontière du Labrador.
Conviction et détermination
Les Innus sont déterminés à aller jusqu’au bout pour faire valoir leurs droits constitutionnels. « Nous demeurons convaincus que notre capacité d’obtenir réparation pour les violations de nos droits par Rio Tinto IOC ne s’arrête pas là où ont été fixées les frontières provinciales. Cette décision renforce notre désir et notre détermination de nous assurer que cette minière soit confrontée à ses actions et à la violation systématique de notre territoire et de nos droits au cours des 70 dernières années » a déclaré le chef de Uashat mak Mani-utenam, Mike McKenzie.
Il s’agit de la seconde fois qu’une question procédurale dans le cadre de cette poursuite historique contre la minière et déposée à la Cour supérieure du Québec en 2013 par les Innus se rend jusqu’à la Cour suprême fédérale. Rio Tinto IOC a subi un revers la première fois alors qu’elle demandait aux tribunaux de mettre fin à la procédure contre elle prétendant que les Innus devaient poursuivre les gouvernements et non une entreprise privée.
Rancœur et ténacité
« Il s’agit d’un nouveau délai pour nos peuples qui attendent que cette compagnie nous respecte, et ce, depuis le début des opérations de Rio Tinto IOC chez nous en 1950 », a ajouté le chef de Matimekush-Lac-John, Tshani Ambroise. Son prédécesseur, Réal McKenzie confiait en 2014 que le temps où les entreprises pouvaient indûment exploiter le territoire sans tenir compte du fait que ce peuple en est aussi propriétaire est révolu et que bien que les gouvernements aient joué un rôle décisif en autorisant le mégaprojet minier sans leur consentement, ce n’est pas un projet public et ce sont des investisseurs privés qui ont fait ce choix sans se soucier des peuples innus qui habitaient ce territoire depuis des temps immémoriaux : « Ce ne sont pas les gouvernements qui ont procédé à la discrimination raciale contre les employés innus d’IOC, qui ont expulsé nos enfants, nos femmes et nos aînés de leur propre territoire natal pour faire place aux mines d’IOC. Et ce ne sont pas les gouvernements qui ont amassé des milliards de profits en détruisant et en contaminant notre territoire en quête de nos richesses minérales, c’est IOC/Rio Tinto. C’est donc à IOC/Rio Tinto de prendre ses responsabilités. »
Le litige opposant les deux communautés innues et la minière IOC progresse, mais est loin d’être réglé. L’entreprise IOC, qui a extrait et vendu près d’un milliard de tonnes de fer provenant de ses mines de Schefferville avant de cesser ses activités localement, fait bande à part puisque c’est la seule minière de la région qui n’a jamais conclu d’entente avec les Innus incluant dans le cas de ses opérations de Labrador City.