Photo : Coalition de la Petite-Bourgogne

Les oubliés de la société… et de la campagne électorale

Gabriela Jakubovits, Vues sur la Bourgogne, Montréal, automne 2018

Personne ne rend visite à Monsieur M. Pas un chat… Lorsqu’il entend cogner à la porte, il sait que ce n’est pas un ami ou quelqu’un de la parenté – il n’en a pas. Alors il n’ouvre pas. Derrière sa porte, Monsieur M vit une réalité parallèle, oublié et évité par les voisins, par le réseau de la santé, par la vie qui vibre dans les rues de Montréal et par les politiciens en campagne électorale.

Il fait partie d’un univers qu’on aime mieux balayer sous le tapis parce que cette réalité parallèle, elle n’est pas joyeuse, elle n’est pas belle, elle ne fait pas croître l’économie et elle ne fait pas bien paraître notre société accueillante, solidaire et bien organisée. Monsieur M avec ses punaises et ses coquerelles, ses sacres et ses dents manquantes, sa bière et sa mauvaise humeur, ce n’est pas au sujet de lui que les politiciens s’enflamment et se coupent la parole et ce n’est pas à lui qu’ils essaient de vendre leurs idées bien emballées.

Et pourtant. Dans les habitations sociales de la Petite-Bourgogne, les personnes oubliées, laissées pour compte, dépourvues et mises de côté comptent pour au moins 10% des locataires, selon les quelques 500 visites de porte-à-porte effectuées dans le cadre d’un projet collaboratif nommé PARI (Projet d’accompagnement, de référence et d’intervention). Ce petit chiffre a le malheur de paraître insignifiant. Mais on parle bien d’une personne sur dix qui ne recevra pas de services de santé, qui vivra peut-être dans l’insalubrité et que l’on retrouvera peut-être quand il sera trop tard.

La pauvreté sociale extrême a un grand coût humain. Elle a aussi un coût financier : interventions policières, exterminations, hospitalisations, expulsions, rénovations, etc. Ramasser les dégâts est bien plus coûteux que les prévenir. Tout le monde le sait. Mais le sujet n’est pas à la mode et ne fera certainement pas gagner de votes, alors il est plus simple de parler des familles, des travailleurs et de s’adresser à ceux qui emboîtent le pas. Et alors on laisse Monsieur M devenir un humain oublié.