Marc Simard, Le Mouton Noir, Rimouski
Il était une fois David, le plus jeune des huit fils du berger Isaï. La Bible raconte que David, encore adolescent, a abattu le héros des Philistins, le géant Goliath, d’un caillou lancé avec une fronde. Des centaines d’années plus tard, Goliath récidive. Cette fois, il prend l’apparence de Gastem, une grosse compagnie pétrolière sans scrupules qui met tout en œuvre pour arriver à ses fins : trouver du pétrole quitte à tout détruire sur son passage. Mais l’histoire s’est répétée… Goliath a encore mangé une claque à Ristigouche-Partie-Sud-Est, dans la Baie-des-Chaleurs.
En 2013, la petite municipalité de 167 habitants (presque le même nombre d’avocats employés par Gastem) adopte un règlement pour protéger son eau potable et fixe une distance de deux kilomètres entre un forage et une source d’eau. Gastem juge que ce règlement est abusif et nuira à ses projets d’expansion dans cette région. Dans le cadre de la poursuite qu’elle intente, Gastem réclame plus d’un million de dollars à Ristigouche-Partie-Sud-Est, une somme très importante pour une municipalité dont le budget annuel avoisine les 275 000 $.
Loin de baisser les bras, Ristigouche part à la chasse à l’argent, non pas pour s’acquitter de la somme injustement réclamée par Gastem, mais pour se défendre en cour. La municipalité amorce alors un combat de tous les instants. On demande l’aide du gouvernement, des entreprises ou d’organismes, mais surtout on lance une campagne de socio-financement auprès de la population québécoise.
Rapidement, la bataille s’organise. L’argent entre petit à petit, mais régulièrement. Des artistes produisent des spectacles et offrent les profits à la cause. Un beau moment de solidarité contre l’agresseur.
Fin février, le verdict de la Cour supérieure tombe : elle rejette la poursuite de Gastem.
C’est la fête au village!
Mais il y a plus. La juge Nicole Tremblay donne même des munitions aux autres municipalités : « Les municipalités sont reconnues comme palier gouvernemental et doivent assumer leurs responsabilités dans la protection de l’environnement sur leur territoire en respect du principe de la subsidiarité1 ».
Le cofondateur de Non à une marée noire dans le Saint-Laurent, Martin Poirier ajoute : « Qu’une municipalité de 160 habitants ose affronter de la sorte une compagnie pétrolière malgré l’intimidation et les nombreuses années d’incertitude est un exemple majeur de courage. D’autant plus que pendant près de cinq ans, Ristigouche Sud-Est a tenté d’obtenir l’aide du gouvernement qui a refusé d’intervenir et a même ajouté l’insulte à l’injure en adoptant son Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection. Ce règlement est contesté par plus de 300 municipalités en raison des distances séparatrices entre les forages d’hydrocarbures et les sources d’eau. Le gouvernement Couillard agit en vrai promoteur pour l’industrie pétrolière et gazière. »
Ce qu’il faut retenir, c’est qu’ici, dans le cas du règlement, la force du nombre n’a pas suffi à empêcher une action néfaste d’une grosse compagnie. Mais là où la population a pris sa revanche sur les politiciens et autres lobbyistes, c’est en se mobilisant pour recueillir l’argent nécessaire à la défense de Ristigouche. Donner un seul dollar signifie un appui à la cause et constitue une critique à l’égard des entreprises qui se croient au-dessus de tout. Une somme de 342 000 $ a été amassée sur un objectif de 328 000 $, soit plus que la somme espérée!
Gastem songe à porter le jugement en appel. Pas de problème Goliath… David se trouvera toujours sur ta route.