Ski-Se-Dit : 45 ans, DÉJÀ !

Michel-Pierre Sarrazin, Ski-Se-Dit, Val-David

Pour un petit journal dans un petit village, c’est déjà pas mal. Quarante-cinq années de plaisirs quotidiens, de drames impromptus, de naissances et de décès consignés sur le papier; des jours, des mois, des années de vie, des vies qu’on a chéries, qu’on a aimées, qu’on a perdues, forcément. Et, pour s’en souvenir, des pages jaunies comme les dents du temps qui s’usent pour chacun, un jour à la fois, et trahissent l’âge. Les mots, eux, restent les mêmes. On se demande si les journaux virtuels auront la même persistance. Lorsque, il y a des lustres, j’ai proposé à feu Laurent Lachaîne, alors maire de Val-David, le slogan « Un monde à part », accompagné d’un petit dessin de la montagne, du clocher, du sapin et de sa petite maison, je voulais souligner tout l’amour que nous avions pour notre village. (…)

La montagne, le clocher, le grand sapin et la petite maison étaient une signature. Comme ces rivières, si longtemps seules et fières soudainement transformées en autoroutes pour canotiers, dont on berce, dans nos souvenirs, les images de courants vierges. Comme nos forêts, où, il y a 45 ans et des poussières, croiser un skieur de fond était plus rare que de faire lever une perdrix ou de voir sautiller un lièvre blanc. On risque davantage, aujourd’hui, d’y croiser quelque pylône. La terre se peuple, nos montagnes ne sont pas notre jardin exclusif. Nous allons devoir apprendre, encore, ensemble, la valeur des choses qui durent. Comme les forêts. Le temps, ce sacré voleur, passe.

Et notre journal, tant bien que mal, se souvient des petits détails qui ont fait le bonheur simple de tant de gens. Nous avons donc pensé, pour fêter notre anniversaire, à reconstituer par bribes, comme la mémoire le fait souvent, quelques passages de nos aventures ordinaires à Val-David. Il n’y a pas de héros; il n’y a que des gens qui étaient là, allez savoir depuis combien de temps, et qui sont, qui seront là, on ne sait pour combien encore. Nous avons fouillé dans nos vieux papiers et cela a eu sur notre mémoire le même effet qu’une allumette sur un tas de paille : le brasier des souvenirs s’est embrasé.

Alors, avec quelques photos pâles et des lignes tendues au hasard dans l’eau profonde de nos mémoires, nous allons, cette année, mois après mois, pêcher dans nos histoires, dans vos histoires, des moments qui sont comme les cailloux du Petit Poucet marquant le chemin parcouru. Nous devons bien cela à celles et ceux qui ont vécu ici et qui ont fait leur possible pour qu’en ce monde sans cesse mouvant, le village de Val-David demeure un peu à part des grands courants du changement, tout en cultivant ses talents, en aimant ses enfants, en bâtissant un avenir que le journal Ski-se-Dit aimerait bien avoir l’honneur de raconter encore longtemps. Alors, si vous avez des histoires à partager, c’est le moment. Nos pages vous sont grandes ouvertes.