L’âme du Centre d’art

Geneviève Gélinas, Graffici, été 2011

Trente ans après la mort de l'artiste percéenne Suzanne Guité, le musée Le Chafaud présente une exposition de ses œuvres. L’occasion d'entrer dans l'univers d'une femme de caractère qui, à son époque, a transformé Percé en un centre culturel de premier plan.

À la fin des années cinquante, Percé a encore l'allure d'un village de pêcheurs, même s'il est déjà fréquenté par des villégiateurs. Suzanne Guité et son mari Alberto Tommi y fondent le Centre d'art dans une ancienne grange de la compagnie Robin. Les sculptures de Mme Guité trônent dans la pelouse, sous les grands arbres. Son atelier et sa galerie occupent tout le premier étage. Et l'artiste attire le Gotha artistique de l'époque autour d'elle.

Les Claude Léveillée, Pauline Julien et Félix Leclerc foulent les planches de son théâtre. Des acteurs de renom viennent y jouer Pirandello ou Beckett. Le cinéma présente des films d'Antonioni et de Bunuel. L’écrivaine Françoise Bujold fréquente le centre, tout comme la peintre Marcelle Ferron. Des ateliers de céramique, de dessin, de ballet classique et de pantomime s'y donnent. Le tout dans « un décontracté complet », se souvient Jean-Louis Lebreux.

Dans les années soixante, M. Lebreux travaille de nuit dans un hôtel de Percé. Pour l'adolescent qu'il est, le Centre d'art agit comme un aimant. « J'avais demandé la permission à mon patron d'aller au théâtre un soir par semaine », se souvient-il.

L'âme du Centre, Suzanne Guité, est « une femme de caractère, parfois excessive, mais toujours intéressante, avec beaucoup de charisme », se remémore Michel Boudreau, ancien propriétaire de l'hôtel La Normandie. « Elle utilisait de grands mots pour décrire des grandes choses, dit-il. On avait 20 ans, elle en avait 40, et elle prononçait des discours qu'on ne comprenait pas toujours ».

M. Lebreux, aujourd'hui directeur du Chafaud, a travaillé pour le Centre d'art pendant deux étés en 1979 et en 1980. Comment Suzanne Guité était-elle perçue à Percé ? Même si elle ne faisait pas l'unanimité, admet M. Lebreux, les gens étaient conscients qu'elle avait une place, un rôle et que sans elle, Percé n'aurait pas été le même ».

Suzanne Guité est morte assassinée en 1981, au début de la cinquantaine. Aujourd'hui, le Centre d'art est devenu un resto-bar. Percé a pris un virage plus commercial pour accueillir l'afflux de touristes. Que penserait Suzanne Guité du Percé aujourd'hui ? M. Boudreau croit qu'elle réprouverait. « Mais elle se serait peut-être battue pour que ça n'arrive pas », ajoute-t-il.

Jusqu'au 21 septembre, le musée Le Chafaud de Percé présente des sculptures, et aquarelles, des dessins el des gravures de Suzanne Guité. Le Musée de la Gaspésie à Gaspé présentera tout l'été des sculptures, les tapisseries et des dessins de l'artiste.

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