Bernard Dagenais, Autour de l’île, l’Île d’Orléans, avril 2010
À l’exception du nom de l’île de Bachus, qui témoignait d’une réalité bien concrète, l’île a emprunté divers noms au rythme des ans qui reflétaient davantage les enjeux politiques du temps. De l’île Minigo, en passant par l’île Sainte-Marie, le comté de Saint-Laurent ou l’île d’Orléans, le nom de l’île a évolué en fonction des intérêts des grands de ce monde.
Dès lors, que viennent faire Éléonore de Grand’Maison, Mgr de Laval ou François Berthelot lorsqu’on parle des seigneurs de l’île ? Et comment concilier ces trois noms avec la merveilleuse carte des propriétaires de l’île préparée par le Sieur de Catalogne, en 1709, soit à peine un siècle après la création de la Ville de Québec, en 1 608 ?
L’histoire, selon Pierre-George Roy, veut qu’en 1648, « Monsieur et Madame de Chavigny et leurs quatre enfants laissassent leur fief de Chavigny pour aller habiter la pointe ouest de l’île d’Orléans… Le 29 mars 1649, Olivier Letardif, agissant pour les seigneurs de l’île d’Orléans concédait à M. de Chavigny et à sa femme Éléonore de Grandmaison, une seigneurie… sur la pointe ouest de l’île d’Orléans ». C’est cette seigneurie qui prit le nom de fief de Beaulieu.
L’île devient ensuite la propriété de Monsigneur de Laval, en 1 668. En 1676, l’île d’Orléans était érigée en fief noble en faveur de M. Berthelot. On aura compris qu’à cette époque le développement de l’île était confié à des personnalités. Mais si l’on se fie à la carte de l’île que dressait, en 1709, le Sieur de Catalogne, on constate que cent ans après la naissance de la ville de Québec, ces seigneurs avaient permis à des nombreuses familles de s’établir le long du Saint-Laurent, en leur accordant des terres sur lesquelles elles allaient, pendant des décennies, protéger le caractère unique et agricole des lieux.
Deux cents ans plus tard, en 1909, la majorité des terres appartenait toujours aux mêmes familles. Cent ans plus tard, en 2009, les patronymes ont changé sur de multiples terres. Que s’est-il passé ? C’est que depuis 50ans, il y a peu de relève pour reprendre le dur labeur des champs. La main-d’œuvre coûte cher. Et l’espoir, dans certains cas, de voir les terres agricoles abandonnées devenir des enjeux de spéculation, en a incité d’autres à attendre…
À ce rythme, que sera l’île d’Orléans dans 50 ans ? Un foyer de retraités aisés comme le redoutent certains ? Or, il faut avoir vu et compris la ville de Baden-Baden, en Allemagne, pour comprendre que c’est une avenue possible et intelligente. Par leur apport économique, les retraités ont permis la création d’un milieu de vie exceptionnel qui attire de nombreux touristes et de plus en plus de jeunes familles. L’un n’est pas exclusif de l’autre.
À ce rythme que sera l’île d’Orléans dans 50 ans ? Un nouveau Tadoussac où tout est conçu pour bénéficier de l’apport des touristes ? Un mauvais pli est-il en train de se prendre à l’île d’Orléans ? L’incivilité de certains visiteurs se manifeste de plus en plus souvent par des comportements irritants, à commencer par les autocars de touristes qui oublient trop souvent qu’ils ne sont pas les seuls à partager la route en passant par tous ceux qui détériorent les endroits accueillants, sans compter la propension de certains jeunes à exprimer leur présence par des cris envahissants.
À ce rythme, que sera l’île d’Orléans dans 50 ans ? Des réflexions intéressantes ont été apportées par divers groupes de discussion. Mais, c’est toujours l’image du développement de l’île qui persiste dans ces visions d’avenir, plus rarement celle de la protection d’un milieu de vie fragile. Si le présent est le garant de l’avenir, on peut s’inquiéter de ce que sera notre île dans 50 ans. Et la carte du Sieur de Catalogne ne sera plus qu’un lointain souvenir…