Terrain vendu, clôturé, à proximité de l’Église de la Visitation. Photo : P. Rachiele

Patrimoine en péril? Le 12375, Fort-Lorette vendu !

Christiane Dupont, Journaldesvoisins.com, Montréal, le 14 avril 2017

La propriété du 12375, rue du Fort-Lorette, en bordure de la rivière des Prairies, jouxtant la Résidence Ignace-Bourget, et la Résidence André-Laurendeau (à l’ouest) et l’Église de la Visitation-de-la-Bienheureuse-Vierge-Marie (à l’est), vient d’être vendue au promoteur immobilier et entrepreneur en construction Antonio Rizzo, qui avait été associé au boxeur Arturo Gatti dans son entreprise Le Groupe Gatti-Rizzo.

D’une valeur de plus de 3 M $ de dollars au rôle foncier de Montréal, la propriété des Sœurs de Miséricorde a été vendue pour 2 M $ au promoteur.

Le promoteur immobilier et constructeur Rizzo a immatriculé tout récemment (février 2017) une nouvelle entreprise à son nom propre au Registre des entreprises du Québec. C’est sous ce numéro d’entreprise, Québec 9354-5309 Québec Inc., qu’il a procédé à l’achat de la propriété des Soeurs de Miséricorde. Toutefois, il demeure toujours propriétaire du Groupe Gatti-Rizzo dont l’adresse est la même que celle de sa nouvelle entreprise à Montréal.

La transaction immobilière était enregistrée au Registre foncier du Québec en date du 30 mars dernier.

Vue aérienne du terrain vendu par les Sœurs de Miséricorde au promoteur Rizzo. On aperçoit l’immeuble à gauche. Photo : P. Rachiele

Des religieuses avisées

Aux fins de la vente, les Sœurs de Miséricorde avaient accordé un contrat de lobbyisme à Simon-Pierre Diamond, lobbyiste inscrit en bonne et due forme au registre des lobbyistes du Québec.

Le mandat mentionne que le travail du lobbyiste doit se faire auprès de Montréal et du ministère de la Culture et des communications du Québec (MCCQ). en contrepartie d’une somme reçue ou à recevoir de la Congrégation de 10000$ à 50000$.

Le mandat donné par les religieuses à Simon-Pierre Diamond, ancien député adéquiste à l’Assemblée nationale et candidat du PLQ battu dans Vachon aux élections provinciales de 2014, prenait effet le 1er janvier 2017 pour se terminer en décembre prochain. ⌈Mise à jour 2017-04-15, 12 h 36: Dans un document daté du 13 mars dernier, journaldesvoisins.com a pris connaissance d’une mise à jour concernant ce mandat du lobbyiste Simon-Pierre Diamond. Selon le dernier document trouvé, le mandat du lobbyiste s’est terminé le 14 février dernier.⌋

 

Le mandat du lobbyiste se lit comme suit:

«Démarches visant à autoriser la démolition du bâtiment portant le numéro 12375, rue du Fort-Lorette à Montréal et la construction d’un projet résidentiel de maisons de ville de trois étages en vertu du Règlement sur les projets particuliers de construction, de modification ou d’occupation d’un immeuble (RCA02 09007). Cette autorisation permettra la vente de la propriété appartenant à la congrégation des Sœurs de Miséricorde dont la compensation financière assurera la subsistance et la quiétude financière des membres de la communauté, ainsi que leurs œuvres.»

Parallèlement à la signature d’un contrat avec le lobbyiste Diamond pour se faire valoir auprès des autorités, les Sœurs de la Miséricorde avaient dû mettre en vente, sous le manteau, leur superbe terrain et bâtisse de la rue du Fort-Lorette. Journaldesvoisins.com n’a trouvé aucune inscription de courtier immobilier ou d’intermédiaire de vente pour cette adresse.

Fait intéressant: de source sûre, Journaldesvoisins.com a appris que les voisins de l’est –l’administration de l’Église de la Visitation– n’étaient ni au courant de l’intention, ni, a fortiori, de la transaction du 30 mars.

En outre, il est plausible que l’arrondissement et/ou la Ville-Centre ait été au courant, même si ce ne sont pas ni l’arrondissement ni la Ville-Centre qui autorisent des fouilles archéologiques sur un site patrimonial (voir plus bas).

 

Un terrain reçu

Si la communauté avait fait construire ou rénover une bâtisse sur les lieux, le terrain lui avait été gracieusement octroyé sans acte notarié en 1909 par la corporation de l’évêque de Montréal, Monseigneur Paul Bruchési.

Bien sûr, c’est la Congrégation qui a dû en assumer les travaux sur la dernière bâtisse –celle qui est actuellement sur le site depuis une soixantaine d’années–  ainsi que l’entretien des lieux, au fil des années.

Mais le terrain est magnifique à cet endroit, sur le bord de la rivière, voisin de la plus vieille église de Montréal classée site patrimonial par le ministère de la Culture et des Communications du Québec.

 

Site patrimonial

Sur le contrat de vente, il est également stipulé: «L’immeuble est classé comme bien patrimonial et serait situé en tout ou en partie dans l’aire de protection d’un bien patrimonial ou d’un site patrimonial déclaré en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel, selon l’avis d’inscription d’un bien culturel immobilier publié au bureau de la publicité des droits de Montréal, sous le numéro 2 617 761.

La vente s’est faite sans garantie légale, stipule l’acte de vente, et sans garantie des vices cachés. Il y est écrit: «L’Acquéreur achetant l’immeuble à ses risques et périls.» Il est également mentionné que l’acquéreur devient propriétaire de l’immeuble à compter du jour de la signature du contrat de vente, soit le 30 mars.

 

Fouilles et décontamination

Journaldesvoisins.com n’a pas trouvé d’avis de contamination au registre foncier. Toutefois, le contrat de vente stipule qu’une somme de 500 000 $ est retenue en fidéicommis, par la notaire, Maître Elisa Donatelli, à même le produit de la vente pour couvrir les coûts éventuels de décontamination des sols.

La Congrégation paiera pour les frais de décontamination, le cas échéant, jusqu’à concurrence de ce montant; l’excédent étant assumé par le promoteur.

Finalement, selon l’article 150 de la Loi sur le patrimoine culturel du Québec, l’arrondissement et la Ville-centre peuvent prévoir que des fouilles archéologiques se fassent dans une zone d’intérêt patrimonial préalables à une demande de permis aux fins de réalisation d’un projet. Le site pourrait renfermer des vestiges du Fort Lorette dont on n’a pas retrouvé de traces à ce jour.

Selon nos sources, des fanions-repères ont été installés mercredi 12 avril sur le terrain au bout de la rue des Jésuites, en bordure de la rivière, en vue des fouilles archéologiques qui seront entreprises sous peu.

Michèle Blais, porte-parole de l’arrondissement, précise, dans un courriel, que ce n’est pas l’arrondissement qui a donné le contrat de fouilles qui sont sous la responsabilité du gouvernement du Québec. Les travaux de fouilles ont été autorisés par le ministère de la Culture et des Communications du Québec, à la demande du nouveau propriétaire, le promoteur Rizzo, et devraient commencer le 18 avril, selon l’arrondissement, mais la date reste à confirmer.

«Le permis de recherche archéologique est émis par le ministère de la Culture et des Communications», a souligné Mme Blais.

En 2015, la Congrégation des Sœurs de Miséricorde longtemps reconnue comme celle qui venait en aide aux mères-célibataires, du moins jusqu’en 1861, comptait 85 religieuses, dont la supérieure générale était Sœur Monique Lallier, signataire au contrat de vente du 12375, rue du Fort-Lorette en mars dernier.