Normand Gagnon, Autour de l’île, Île d’Orléans, octobre 2016
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la réaction des maires face à ce qu’ils ont appelé «le silence du ministère de la Culture et des Communications (MCC)» en a étonné plus d’un (revoir la lettre ouverte dans l’édition d’août 2016 d’Autour de l’île). Cinq des six maires ont en effet statué que désormais les municipalités «ne recevraient plus les demandes d’autorisation adressées par les citoyens au ministère». Selon eux, cette réaction serait justifiée, notamment, par l’intransigeance du MCC dans la «négociation» du Plan de conservation du site patrimonial de l’île d’Orléans.
Rappelons qu’un permis municipal et une autorisation du MCC doivent tous deux être accordés avant le début de travaux de construction ou de rénovation et que, jusqu’ici, le processus administratif global était pris en charge par la MRC, à qui les municipalités ont confié ce mandat.
Ce choix, donc, de laisser les citoyens acheminer et défendre leur propre dossier au ministère soulève plusieurs interrogations. Quel poids aura un citoyen isolé face à l’appareil gouvernemental alors que les maires disent eux-mêmes n’avoir que peu d’écoute et peu de pouvoir? Les citoyens les plus fortunés qui peuvent s’offrir architectes et avocats pour les soutenir dans leurs démarches auprès du MCC seront-ils, particulièrement dans ce nouveau contexte, davantage favorisés? Les représentants des citoyens peuvent-ils légitimement décider de ne plus les représenter?
On peut comprendre l’exaspération de certains élus municipaux face au fait de ne pas avoir le champ entièrement libre en ce qui concerne l’urbanisme. Ce n’est pas d’hier non plus que l’application des règles découlant de la Loi sur le patrimoine culturel (anciennement la Loi sur les biens culturels), parfois jugée arbitraire et à géométrie variable, procède d’un cadre strict qui laisse peu de place aux pratiques nouvelles (nouveaux matériaux) et ne tient pas compte de la capacité de payer des citoyens moins nantis. C’est du moins l’analyse que semblent faire plusieurs maires de l’île dans ce dossier. Et quand s’ajoute à cela un discours gouvernemental de décentralisation véhiculé sur toutes les tribunes, mais qui, dans la pratique, cède le pas à un contrôle tatillon, il est facile de comprendre les impatiences manifestées.
Ce dossier nous confronte toutefois à une question plus générale encore, à savoir si les biens patrimoniaux (bâtiments et paysages) qui font notre fierté et qui sont à la base de la plus grande partie de l’activité économique seraient ce qu’ils sont aujourd’hui si nous n’avions pas procédé à une application relativement stricte des lois sur le patrimoine et sur le territoire agricole? Certains pensent que non. Et c’est sur ce respect rigoureux de la règle que souvent naissent les désaccords en ce sens qu’il y a les partisans du tout à la règle et ceux qui plaident plutôt pour des «aménagements raisonnables». Est-ce manquer de fidélité à la tradition, disent ces derniers, que d’utiliser des matériaux moins nobles tout en étant respectueux de l’architecture? Est-ce faire preuve d’indifférence à l’histoire que de rénover des bâtiments anciens sans procéder à l’identique?
Les auteurs de la lettre ouverte admettent volontiers qu’ils ont choisi entre deux maux: se soumettre aux exigences ministérielles qui, selon eux, équivalent à laisser tout le contrôle urbanistique au ministère, ou exercer ce moyen de pression en espérant une reprise des négociations sur des bases de réciprocité.
La députée Caroline Simard se montre, elle, optimiste. Elle annonçait, au début du mois, une rencontre prochaine avec le nouveau ministre de la Culture et des Communications. Que peut-on espérer de cette hypothétique rencontre, les maires ayant déjà rencontré la précédente titulaire du ministère exactement sur le même sujet?