Réjean Hébert, Le Cantonnier, Disraeli, le 30 septembre 2010
Une équipe de recherche de l’Université Laval a récemment découvert un phénomène naturel très intéressant dans la région de Thetford-Mines. En effet, plusieurs bouches d’air chaud appelées évents ont été localisées sur les piles de résidus miniers de chrysotile. Ces évents sont suffisamment chauds pour faire fondre la neige en hiver. Dès 2002, ce phénomène a intrigué François Huot, un collaborateur scientifique d’une équipe géologique du département de géologie et de génie géologique de l’Université Laval. Par après, les travailleurs œuvrant sur les haldes de résidus miniers ont signalé ces évents aux chercheurs. Depuis ce temps, les chercheurs de l’Université Laval ont formé une équipe multidisciplinaire qui s’intéresse à la capture (séquestration) du CO2 atmosphérique par les résidus miniers de chrysotile (une variété d’amiante).
Devant l’importance de cette découverte, les chercheurs se sont appliqués à déterminer avec soin la position des évents chauds et à mesurer la température et la composition de l’air en émanant. Ils ont mesuré des températures allant de +7 à +18,5 °C de mars à juillet 2010 et ce, malgré des températures ambiantes de -13.4 à 20 °C ! De plus, les chercheurs ont mesuré un appauvrissement en CO2 atmosphérique allant jusqu’à environ 30 fois la teneur ambiante. Conclusion : une réaction naturelle de capture du CO2 se produit à l’intérieur des piles de résidus et les évents sont les manifestations en surface de cette réaction productrice de chaleur. Les chercheurs venaient de découvrir un laboratoire naturel inespéré pour conduire leurs travaux de recherche. Ces travaux sur la séquestration géologique du CO2 ont été appuyés financièrement par la Chaire de recherche du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, et a reçu un appui technique et matériel du ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec.
Compte tenu de ces résultats, l’équipe de chercheurs a approché LAB Chrysotile de Thetford-Mines (secteur Black Lake) afin de continuer l’observation de ces évents. Ce partenariat a permis la mesure des paramètres permettant de suivre l’évolution de la réaction naturelle afin de s’assurer de la permanence des évents et d’établir des bilans de capture de CO2 atmosphérique. Résultats : des tonnes de CO2 sont annuellement séquestrées par cette réaction naturelle, ce qui est une bonne nouvelle pour la réduction de gaz à effet de serre.
Afin de bien comprendre les mécanismes de fonctionnement de cette réaction naturelle, l’équipe de recherche, qui a reçu une subvention du Fonds québécois sur la nature et les technologies (FQRNT), a construit à l’été 2010 une station expérimentale qui constitue une réplique miniature de la pile de résidus miniers (photo). À la différence de la pile réelle, la réplique a été instrumentée, ce qui permettra cette fois de mesurer les paramètres qui contrôlent la réaction sur une période de quelques années. Ces données pourront être valorisées dans l’établissement de modèles numériques qui reproduiront le fonctionnement de la réaction.
En parallèle, des expériences de simulation en laboratoire permettront d’étudier les conditions qui optimiseraient la quantité de CO2 captée par les piles. L’équipe de recherche rêve de pouvoir un jour forer dans la pile de résidus de la mine de chrysotile afin d’aller voir ce qui s’y passe en direct ! Toutefois, des fonds de recherche supplémentaires seraient nécessaires. Fait intéressant, le CEGEP de Thetford Mines via son Centre de technologie minérale et plasturgie (CTMP) est également partenaire de l’aventure ; de jeunes stagiaires seront initiés à la recherche en participant aux relevés des données.