Frank Marquet veille à la production de muffins. © Oksana Mukhina

Recettes du bonheur dans une cuisine collective

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Oksana Mukhina, Autour de l’Île, Île d’OrlĂ©ans, avril 2025

Franck Marquet gare sa voiture dans la cour arriĂšre de l’Espace F.-X.-Lachance Ă  Saint-Laurent et dĂ©charge des sacs – beaucoup de sacs. Il est 17 h 30 et l’établissement a dĂ©jĂ  fermĂ© ses portes. Franck ne s’y rend pas, mais se dirige plutĂŽt Ă  la cuisine collective situĂ©e Ă  l’arriĂšre. Il arrive un peu en avance pour dĂ©verrouiller la porte, allumer les lumiĂšres, vĂ©rifier la cuisiniĂšre, le four et les ustensiles. Une agrĂ©able soirĂ©e culinaire s’annonce avec les participants du projet « Cuisine collective ».

Tout a commencĂ© en 2019, lorsque la MRC de L’Île-d’OrlĂ©ans et l’Association BĂ©nĂ©vole de l’Île d’OrlĂ©ans (ABIO) ont menĂ© un sondage auprĂšs des rĂ©sidents de l’üle afin d’identifier leurs principaux besoins. GrĂące Ă  l’initiative DĂ©marche ICÎ, trois axes d’intervention ont Ă©tĂ© dĂ©finis : la mobilitĂ©, l’intĂ©gration sociale des adolescents et des aĂźnĂ©s et la sĂ©curitĂ© alimentaire.

Pour rĂ©pondre Ă  ce dernier enjeu, la municipalitĂ© de Saint-Laurent a proposĂ© la crĂ©ation d’une cuisine collective professionnelle oĂč des groupes pourraient se rĂ©unir pour cuisiner, discuter et passer du temps ensemble. Ce concept brillant, dĂ©jĂ  prĂ©sent sur l’üle depuis 2012, a donc trouvĂ© un second souffle. La prĂ©paration a pris du temps : rĂ©daction des documents, obtention d’une subvention, achat de matĂ©riel et conception d’un espace cuisine moderne. Finalement, le 19 janvier 2023, la page Facebook du groupe Cuisine collective a Ă©tĂ© lancĂ©e, devenant ainsi le principal outil de communication du projet.

Coordonnatrice Ă  la municipalitĂ© de Saint-Laurent jusqu’en 2019, VĂ©ronique Provencher se souvient de la prĂ©paration des documents de financement – rĂ©novation, assiettes, couteaux, grand four, grande cuisiniĂšre, etc. – du projet. Depuis 2023, VĂ©ronique est l’une des participantes les plus actives aux rĂ©unions de cuisine.

« Il s’agit avant tout de contact humain, de se retrouver et de cuisiner des plats qu’on aime », explique-t-elle.

RĂ©sidente de Saint-Laurent, VĂ©ronique Dubos a participĂ© Ă  au moins quatre sĂ©ances et confie : « J’ai beaucoup aimĂ© et j’ai beaucoup apprĂ©ciĂ© : on a ri, on a essayĂ© de nouvelles recettes, on a appris Ă  faire de la pizza et du pain. C’était mieux que ce Ă  quoi je m’attendais. »

Chaque rassemblement est soigneusement planifiĂ©. Les participants intĂ©ressĂ©s rĂ©pondent Ă  un appel sur Facebook, puis se concertent en ligne pour choisir les plats et les ingrĂ©dients. Une personne achĂšte ensuite les provisions et les apporte le jour de la rĂ©union. Tous les coĂ»ts et les repas prĂ©parĂ©s pour la soirĂ©e sont partagĂ©s Ă©quitablement entre les cuisiniers. En deux ans, la cuisine collective a prĂ©parĂ© une variĂ©tĂ© de plats, notamment de la gelĂ©e de pissenlit, de la ratatouille, de la focaccia, des raviolis, des pĂątes, des pizzas, des confitures de fruits, des soupes de lĂ©gumes, du pain de campagne, du jambon maison, de la brioche au beurre, du bortsch, et bien plus encore. Le coĂ»t d’un menu complet (avec plusieurs plats prĂ©parĂ©s en une seule soirĂ©e) peut atteindre 30 $, mais parfois 75 $.

ENGAGEMENT BÉNÉVOLE

L’un des aspects particuliers du projet est l’engagement bĂ©nĂ©vole : si nĂ©cessaire, des groupes peuvent crĂ©er des repas uniques et dĂ©licieux pour les familles de l’üle qui reçoivent des paniers alimentaires. La responsable du projet de sĂ©curitĂ© alimentaire pour la DĂ©marche ICÎ, Louise Geoffrion, explique que les agriculteurs locaux donnent parfois des baies, des lĂ©gumes et des fruits excĂ©dentaires ou imparfaits pour la transformation.

« Lorsqu’il y a eu un surplus de bleuets en aoĂ»t, j’ai appelĂ© Franck, l’un des bĂ©nĂ©voles de la cuisine collective, et je lui ai suggĂ©rĂ© de prĂ©parer des muffins pour notre communautĂ© », se souvient Louise Geoffrion.

À cette occasion, un petit groupe, dont l’autrice de cet article, a prĂ©parĂ© plus de 200 muffins que l’équipe de DĂ©marche ICÎ et de l’ABIO a magnifiquement emballĂ©s et ajoutĂ©s aux paniers alimentaires pour la distribution de septembre.

« Les gens étaient incroyablement heureux et profondément touchés », raconte Louise.

Aider les autres constitue une source de satisfaction pour beaucoup. Habitante de Saint-François et mùre au foyer, Caroline Dinel en est à sa sixiùme participation. Elle adore cuisiner, participe activement aux courses et aime apprendre de nouvelles recettes. Pour elle, comme pour beaucoup d’autres, aider les habitants de l’üle est tout aussi important.

« Nous cuisinons des plats pour les personnes dans le besoin, et cela me fait du bien de donner aux autres. »

Rien qu’en 2024, prĂšs de 10 000 kilos de petits fruits, de lĂ©gumes et de fruits ont Ă©tĂ© rĂ©cupĂ©rĂ©s et redistribuĂ©s pour les besoins de la communautĂ© !

En plus des muffins, la cuisine a prĂ©parĂ© des confitures, des crĂȘpes et des crumbles pour soutenir le programme de paniers alimentaires.

Franck sourit en observant l’animation autour du fourneau, tout en continuant Ă  pĂ©trir la pĂąte pour le pain maison. Il le fait avec tant d’habiletĂ© qu’on se croirait dans la cuisine d’un restaurant Ă©toilĂ©. Franck est estimateur de coĂ»ts, charpentier et menuisier pour une entreprise de construction quĂ©bĂ©coise, mais son amour pour la cuisine et les activitĂ©s communautaires lui vient de sa mĂšre, Annick.

« MĂȘme quand je suis fatiguĂ©e, je viens quand mĂȘme cuisiner », dit Marie E., une rĂ©sidente de Saint-Laurent.

« Je participe pour me motiver Ă  mieux cuisiner et pour socialiser », ajoute une rĂ©sidente de Saint-Jean, Sylvie LĂ©tourneau. « L’important pour moi, c’est de faire une activitĂ© sympa, de partager avec de nouvelles personnes et de prĂ©parer de bons petits plats. J’ai vraiment envie de refaire ce genre d’activitĂ©s et j’apprĂ©cierais que ce soit en journĂ©e de temps en temps. »

LIEU DE RASSEMBLEMENT

Franck a rĂ©cemment partagĂ© une idĂ©e pour son prochain projet communautaire : un four Ă  bois oĂč les habitants pourraient cuire du pain pour leurs voisins !

« Un four communautaire est un lieu de rassemblement, un espace de partage et de cĂ©lĂ©bration, empreint d’une atmosphĂšre de comprĂ©hension mutuelle et d’humanitĂ©. Le vrai bonheur rĂ©side dans les choses simples », explique-t-il.

Vous souhaitez soutenir ou rejoindre le projet ? Une rĂ©union d’information aura lieu le lundi 12 mai, Ă  18 h, Ă  la salle communautaire de Saint-Laurent.

Les personnes intéressées par le projet Cuisine collective peuvent postuler via le groupe Facebook. Voici quelques rÚgles et informations importantes du directeur adjoint de la municipalité de Saint-Laurent, Sylvain Delisle.

« Les gens peuvent nous contacter par tĂ©lĂ©phone au 418 828-2322, poste 2 ou par courriel Ă  admin@ saintlaurentio.com. L’accĂšs Ă  la cuisine est gratuit. Cependant, les activitĂ©s doivent s’inscrire dans une dĂ©marche communautaire. C’est-Ă -dire qu’une activitĂ© purement privĂ©e ne bĂ©nĂ©ficiera pas de la gratuitĂ©. Nous sollicitons Ă©galement la collaboration de tous afin de garder notre cuisine propre et nos Ă©quipements en bon Ă©tat. Il est donc important de bien respecter les rĂšgles dont celle qu’aucun Ă©quipement ne doit quitter la cuisine ».