Syndicats et organismes communautaires manifestent devant le bureau du député Bernard Drainville, ministre de l’Édu- cation et responsable de la région Chaudière-Appalaches, pour dénoncer les incohérences gouvernementales en santé et services sociaux. (Crédit-photo : TROCCA)

Les organismes communautaires s’essoufflent

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Sylvie Veilleux, Le Cantonnier, Disraeli, avril 2025

Il y a quelques jours, une amie me racontait qu’elle avait reçu un appel téléphonique d’une copine qui était triste : « Salut, je vais peut-être perdre mon emploi d’ici quelques mois, ou mes heures de travail seront considérablement réduites, selon les soutiens financiers supplémentaires qui seront réaffectés ici et là, résultat de la coupe de plusieurs milliers de dollars dans le budget de l’organisme où je travaille ».

Cette triste situation sera vécue par plusieurs de nos consœurs et confrères du milieu communautaire, dans les mois qui viennent, à la suite au dépôt du budget 2025-2026 par le gouvernement du Québec. En limitant la croissance de l’ensemble des dépenses des ministères à 1,8 % en 2025-2026, ce qui est inférieur à l’inflation, des coupes devront être faites dans les ministères pour respecter la cible budgétaire. Même le ministère de la Santé et des Services sociaux est touché : les hausses de dépenses sont limitées à 3 % cette année, puis à 2 % l’an prochain.

Pour les groupes communautaires autonomes intervenant en santé et services sociaux, le gouvernement Legault investira 9 M $, comme l’an dernier. Ce qui revient à un maigre 3000 $ par organisme, pour les 3000 organismes financés. La Coalition des Tables régionales d’organismes communautaires (CTROC) demandait 830 M $ supplémentaires sur cinq ans, pour ceux-ci.

Pour la région de Chaudière-Appalaches, qui compte 177 organismes, le budget alloué est de 465 000 $. « Avec l’augmentation des coûts de fonctionnement, des choix déchirants devront être faits : réduction des heures d’ouverture, fermeture de points de services, diminution des semaines de travail, qui parfois poussent des employé(e)s à fréquenter les banques alimentaires », a révélé Murielle Létourneau, de la Table régionale des organismes communautaires Chaudière-Appalaches (TROCCA).

Déjà, certains groupes ont vu le premier versement de leur subvention annuelle amputé. Le manque de financement pour répondre adéquatement aux différents besoins de sa clientèle a été mentionné par 22 des 33 organismes sondés* par la Corporation de développement communautaire des Appalaches (CDC-A) en 2024. « À la suite du dépôt du budget Girard, le 25 mars dernier, une enquête rapide auprès de quelques organismes confirme que cette situation perdure. Le réseau communautaire s’essouffle. Les conseils d’administration s’épuisent, les directions démissionnent », a déclaré monsieur Philippe Tétreault, agent de développement à la CDC-A.

« Le gouvernement devrait investir plus dans les humains que dans le béton et l’acier », souhaite Murielle Létourneau. « Ce n’est pas le cas dans le récent budget, concentré sur l’économie, à cause du climat d’incertitude dû à la guerre commerciale lancée par M. Trump.

Certes, le gouvernement du Québec fait face à des choix difficiles. Toutefois, il est clair que ce sont les personnes en situation de pauvreté de notre société qui sont et seront les premières à faire les frais du retour des politiques d’austérité, ainsi que les intervenant(e)s œuvrant dans les groupes communautaires.

« À 24 $ l’heure en moyenne, les salaires offerts dans le groupes communautaires accusent un écart de 42 % avec le salaire moyen au Québec. […] Faut-il spécifier que ces personnes feront aussi face à l’augmentation des coûts de la vie dus à l’incertitude, […] et que 80 % des emplois dans le communautaire sont occupés par des femmes », précise Stéphanie Vallée, présidente de la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles (TRPOCB).

En conclusion, il est à espérer que cet article sensibilisera les députés du gouvernement afin que la copine de mon amie du milieu communautaire, qui travaille fort, conservera son emploi, même sous payé.

* Sondage : État du communautaire 2024, par Philippe Tétreault, agent de développement de la CDC-A.