Roger Lafrance, Journal Mobiles, Saint-Hyacinthe,
octobre 2024
L’État devrait-il cesser de subventionner l’entreprise privée? La question nous est venue face à tout le débat entourant le projet Northvolt à SaintBasile-le-Grand.
Avant de répondre à cette question, il faut d’abord s’en poser une autre, beaucoup plus importante : c’est quoi, le rôle de l’État?
En gros, le rôle d’un gouvernement est de légiférer, donc d’adopter des lois et des règles pour le bien commun de la collectivité. Il est aussi d’offrir des services : en santé et en éducation bien sûr, mais aussi dans une foule d’autres domaines : parcs, assurance auto, transport, culture, etc. On pourrait en rajouter un troisième, celui de protéger les plus démunis, les enfants, les aînés, la culture ou l’environnement, entre autres.
Alors, comment justifier l’appui financier à des entreprises privées? Évidemment, il y a la création d’emploi, mais ça paraît incongru dans un contexte où on parle souvent de pénurie de main d’œuvre.
Voilà qui nous ramène à Northvolt et à la filière batterie, projet phare du gouvernement Legault. Ce sont plusieurs centaines de millions, voire quelques milliards, que l’État québécois investit dans les entreprises privées afin de placer le Québec parmi les sociétés qui auront misé sur la transition énergétique.
Avouons-le, cette transition énergétique est un prétexte au développement industriel et à la création d’emplois payants. C’est d’ailleurs l’un des thèmes chers à François Legault.
Mais se servir de l’argent public pour attirer ici des entreprises ou créer de toute pièce un secteur économique génère aussi des impacts importants. Si le Québec doit multiplier par deux sa production d’électricité en 10 ans, c’est en partie pour fournir ces entreprises énergivores. Jusqu’à maintenant, la venue d’éoliennes en région est loin de faire l’unanimité dans la population.
L’aide gouvernementale est souvent à risque. Les plus vieux d’entre nous se rappellent encore l’aventure Hyundai à Bromont. Voulant rejoindre l’Ontario dans l’industrie canadienne de l’automobile, le Québec a déroulé le tapis rouge à Hyundai. Résultat: après quelques années, l’entreprise coréenne a rapatrié la production de ses Sonata sous d’autres cieux.
On pourrait aussi citer les compagnies de jeux vidéo et d’effets visuels où chaque emploi est subventionné à hauteur de 30%. On peut être fier de plusieurs de ces f leurons établis ici. Or, quand le gouvernement Legault a annoncé le printemps dernier une réduction du crédit d’impôt, plusieurs entreprises ont affirmé que la décision mettait à risque leur avenir. Même après 20 ans et malgré leurs succès, ces entreprises ont toujours besoin d’être subventionnées.
Une étude récente de la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke remettait d’ailleurs en question les effets bénéfiques de ce crédit d’impôt qui coûte 660 millions $ par année.
« Or, sur les 702 entreprises qui en ont été bénéficiaires en 2019 – plus récente année pour ce calcul –, seulement quatre ont payé des impôts cette année-là », relevait La Presse du 2 février 2024 en s’appuyant sur les données de l’étude.
Mettre fin aux subventions aux entreprises peut paraître radical mais, alors que nos gouvernements peinent à offrir des services adéquats, on pourrait se garder une petite gêne face à toutes ces multinationales qui nous font miroiter mer et monde.