Anthony Cadoret, Droit de parole, Québec, octobre 2024
En passant près de l’îlot Fleurie dans Saint-Roch, j’ai aperçu des barbelés qui ont été installés pour dissuader les personnes en situation d’itinérance d’accéder à la côte en dessous de l’autoroute Dufferin-Montmorency.
Je n’ai pas pu m’empêcher de penser : quel manque d’humanité ! Je dis « dissuader », car dans les jours suivant l’installation des barbelés, le lieu était encore tout autant occupé. Sans surprise, ces fils de fer piquants n’empêchent pas le passage, mais ils risquent de blesser des personnes qui ont sans doute déjà bien assez de problèmes.
C’est vrai que le secteur pouvait être dangereux avant, mais il l’est encore bien plus maintenant. Pourtant, selon des organismes que j’ai consultés informellement, la décision du ministère des Transports, propriétaire du lieu, et du SPVQ aurait été prise pour des enjeux de sécurité. Plutôt que de rendre l’endroit plus dangereux, pourquoi ces organismes n’ont-ils pas profité de la situation pour rendre le site plus sécuritaire ?
L’endroit est occupé par des personnes en situation d’itinérance depuis des décennies, c’est illusoire de penser qu’on peut y empêcher l’accès si simplement. Si on veut réellement éviter des accidents, on pourrait aménager le site de façon sécuritaire et y tolérer les personnes en situation d’itinérance qui cherchent un abri sous les autoroutes ; ce serait une solution pragmatique.
À mon avis, en rendant le site plus dangereux qu’auparavant avec du barbelé, puis devant l’évidence que ça n’empêche pas les personnes en situation d’itinérance d’y accéder, le ministère des Transports et le SPVQ ne peuvent pas être si simplement déresponsabilisés des accidents qui surviendront surement le dans le futur.
Des règlements municipaux à changer
Il faut aussi se demander pourquoi des personnes risquent autant leur sécurité pour trouver un endroit où dormir. La Ville de Québec et le SPVQ y ont certainement leur part de responsabilité. En pleine crise du logement, il est plus évident que jamais que beaucoup de personnes n’arrivent pas à se loger. Pourtant à Québec, le Règlement sur la paix et le bon ordre interdit de flâner, de dormir dans la rue ou un endroit public et d’installer toutes sortes d’abris. Où devraient aller les personnes en situation d’itinérance, autant le jour que la nuit ? Bien que les refuges soient des ressources essentielles, plusieurs personnes en situation d’itinérance dorment encore dehors, pour toutes sortes de raisons.
En janvier dernier, l’Observatoire des profilages mettait en évidence qu’il se donnait en moyenne plus de 1000 constats d’infraction par année à des personnes en situation d’itinérance à Québec. Face à ces réprimandes, on ne peut pas blâmer ces personnes de tenter de trouver des endroits loin du regard des policiers. Dans ce contexte, on ne peut pas être surpris que des personnes prennent des risques pour aller se réfugier dans la côte en dessous de l’autoroute Dufferin-Montmorency. Plutôt que de chercher des solutions dans les barbelés peut-être qu’on devrait chercher des solutions avec un peu plus d’humanité.