Jacinthe Laliberté et Lise Pinard, Journal des citoyens, Prévost, août 2024
Dr Julien Marc-Aurèle, résident de Sainte-Anne-des-Lacs, réunit, en quatre-vingt-quinze ans, deux passions. La première, la recherche et l’enseignement en médecine; la seconde, la santé des lacs de sa communauté. S’impliquer. Quoi de plus naturel pour un homme dont l’action fut le fil conducteur d’une vie bien remplie.
Le docteur Marc-Aurèle accueille le Journal dans sa coquette maison de Sainte-Anne-des-Lacs. Fleurs et potager constituent son petit havre de paix. Non loin, le lac Guidon domine, dans toute sa splendeur, ce petit paradis qu’il s’est construit au fil des ans.
Un héritage qui le suit
L’adolescence de Julien Marc-Aurèle se pave, entre autres, de lectures sur la biologie et l’être humain d’où l’étincelle qui allume sa passion de la médecine. De ce fait, sa première rencontre avec des patients atteints de tuberculose, confinés dans un lit au sanatorium pendant des années et sans espoir de guérison, l’émeut aux larmes. Cette expérience le confirme dans sa décision de s’engager en médecine et, plus précisément, à la recherche de solutions.
À peine sorti de la faculté de médecine de l’Université de Montréal, en 1955, il poursuit une formation postdoctorale en physiologie pulmonaire à l’Institut Lavoisier jusqu’à sa fermeture. Dès lors lui est offert un poste en recherche sur l’hypertension artérielle et la fonction rénale d’où sa participation aux premières hémodialyses expérimentales à l’Hôtel Dieu de Montréal.
Aucune limite à sa soif de connaissance. L’obtention d’une première bourse offerte par la Fondation canadienne des Maladies du cœur lui permet de poursuivre sa formation à l’étranger.
Son parcours scientifique
À l’Université de Georgetown de Washington D.C, Julien Marc-Aurèle s’est fait particulièrement remarquer par ses travaux en hémodialyse et en maladies rénales, disciplines qui devaient, par la suite, recevoir l’appellation de « néphrologie ». La publication de ses recherches sur le traitement des intoxications au méthanol fait grand bruit dans le monde médical de l’époque.
S’ensuivent divers stages, à titre d’associé de recherche, à New York et à la Faculté de médecine de l’Université de Cincinnati. Un parcours intense qui le ramène au bercail. Il est, alors, reconnu par le Collège des médecins du Québec comme un pionnier de la néphrologie dans sa province ainsi qu’au Canada.
La carrière professionnelle et académique du docteur Marc-Aurèle s’étale donc de 1962 à 2007 à l’Hôtel Dieu de Montréal, d’abord, puis à l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal en collaboration avec la Faculté de médecine de l’Université de Montréal.
Pour cet homme simple, mais tout de même considéré comme une sommité, l’enseignement devient et sera toujours au cœur de ses priorités évoquant la joie de voir des élèves dépasser le maître.
Carrière et implication sociale dans les Laurentides
À l’été 1971, un ami l’attire à Sainte-Anne-des-Lacs. Puisque l’occasion fait le larron, il s’ensuit la location d’un chalet sur les rives du lac Guidon pour des vacances familiales. Rapidement, il a le coup de foudre pour Sainte-Anne-des-Lacs, municipalité ceinte d’un couvert forestier majestueux entrecoupé de lacs tous aussi imposants. Préférant le long terme à la villégiature, il s’y établit, en permanence, avec sa conjointe en 1990.
En 1996, grâce à moult collaborations ainsi qu’au bénéfice de tout le territoire laurentien et jusqu’en Abitibi, il met sur pied l’unité de dialyse et le service de néphrologie à l’Hôpital régional de Saint-Jérôme.
À l’assaut de la protection des lacs
Autant il était soucieux de l’état de ses patients, autant Julien Marc-Aurèle se préoccupe de l’état de son cher lac Guindon dont ses rives dénudées accélèrent sa détérioration. Or, au début des années 1980, comme première action importante, il s’attaque, avec des riverains, à la régénération de ses rives en distribuant diverses essences d’arbres et d’arbustes en vue d’une plantation massive autour du lac.
Plus tard, inquiet de l’impact de l’épandage de quantités importantes de sel de déneigement sur « la vieille côte », comme il se plaît à la nommer, il procède avec un ami à des prises d’échantillons d’eau aux fins d’analyses préliminaires. Une deuxième action qui a comme résultat de sensibiliser la Municipalité à la problématique de la salinité du lac Guidon. Depuis, diverses études ont été commandées dont une dernière l’an passé.
Son intérêt pour l’écologie et la protection de l’environnement lui vaut d’être interpellé, en 2007, lors de la crise de cyanobactéries dans certains lacs de sa municipalité, par Gilles W. Pilon, le fondateur de COGESAM (Conseil de gestion des lacs Saint-Amour et Marois), puis de l’Agence des bassins versants de Sainte-Anne-des-Lacs (ABVLacs) quelques mois plus tard afin de couvrir l’ensemble des lacs de la municipalité. Son expérience et ses pratiques passées ont servie à la l’établissement d’une politique en lien avec la protection de l’eau.
Chef de lac, pionnier jusqu’à devenir doyen
Visant un meilleur équilibre de l’environnement et conséquemment de sa protection, ce citoyen devient chef de lac dans le programme de l’ABVLacs. Depuis 2008, à toutes les deux semaines, il part dans sa barque qu’il manipule habilement jusqu’à la fosse du lac pour procéder à la mesure de la transparence ou à l’échantillonnage de l’eau.
« J’aime être chef de lac. Je me sens utile sans oublier que cette activité m’apporte des connaissances. De plus, j’entraîne un voisin à la fonction de chef de lac pour l’an prochain », précise Julien Marc-Aurèle.
À 95 ans, il précise, tout en souriant, qu’il est quelque peu limité physiquement. Derrière ce petit sourire coquin, on comprend qu’il continuerait encore longtemps. Pour la prochaine année, être assistant-chef de lac suffira.
Impliqué un jour, impliqué toujours
L’implication de cet Annelacois dans la communauté ne s’arrête pas seulement à l’environnement. Membre du comité de la bibliothèque de sa municipalité ainsi que sa participation, pendant plusieurs années, au mouvement « Municipalité Amie des Aînés » (MADA) n’en sont que quelques-unes.
Un héritage précieux qu’il lègue à son entourage et une passion qu’il a transmise à sa fille Julie, qui suit les traces de son père, cette fois-ci, à titre de sentinelle de lac et comme membre active au sein du conseil d’administration de l’ABVlacs.
Pour lui, la santé et la joie de vivre se maintiennent par l’activité créatrice et une insatiable soif d’apprendre. Les livres qui l’entourent demeurent ses meilleurs amis. Sa marche quotidienne le mène, indubitablement, à son quai ce qui lui permet d’admirer le lac qu’il aime tant. Une longue vie qu’il considère toutefois courte, mais dont l’impact demeure si important.