Bateau dragon sur l’eau près du parc de Beauséjour. (Photo : archives, JDV)

Les berges d’Ahuntsic-Cartierville en eaux troubles?

Amine Esseghir, Journal des voisins, Montréal, juillet 2024

La qualité de l’eau de la rivière des Prairies n’est pas toujours bonne pour les usages récréatifs en été. Deux endroits en particulier posent problème.

Les eaux de la rivière des Prairies aux abords des parcs Raimbault et de Beauséjour sont classées de mauvaise qualité pour la baignade. Les prélèvements du 8 juillet 2024, consultés par le Journal des voisins (JDV), indiquent respectivement 250 et 210 coliformes fécaux (UFC — unités formant colonie — pour 100 ml). Selon ces normes, seuls les sports nautiques sans contact direct avec l’eau, comme le kayak, peuvent être pratiqués. Cela est permis jusqu’à une concentration de 1000 coliformes fécaux pour 100 ml.

Cela dit, sept autres points de prélèvement le long des berges de la rivière des Prairies dans Ahuntsic-Cartierville indiquaient à la même date des niveaux de coliformes bien moindres et une qualité de l’eau meilleure. Ces informations sont accessibles à tous sur la carte interactive du Réseau de suivi du milieu aquatique (RSMA). Les résultats d’une vingtaine de prélèvements sont publiés tout au long de l’été.

Cependant, il semble que la problématique n’est pas nouvelle et la qualité de l’eau est médiocre plusieurs fois par année à ces deux lieux de prélèvements.

«Si vous regardez pour un point en particulier, vous allez voir que c’est tout le temps pollué. Ce qui n’est pas normal, parce que par temps sec, il ne devrait y avoir aucune pollution. Tout devrait être vert autour de l’île», prévient Alain Saladzius, en entrevue avec le JDV. Il est président de la Fondation Rivières, un organisme qui milite pour la protection des eaux des rivières au Québec.

À la lecture du tableau réalisé par son organisme et qui compile 20 ans de résultats de prélèvements sur tous les sites, pour les deux points mentionnés, le taux de coliformes fécaux a dépassé le taux de 300 à onze reprises au parc Raimbault et cinq fois au parc de Beauséjour, sur seulement 19 prélèvements effectués durant l’été 2023.

Pour lui, cette situation ne devrait pas exister, car le problème provient de la plomberie.

«On n’a pas besoin de faire des aménagements excessifs. […] Si l’Arrondissement souhaitait rendre accessible un endroit en particulier, bien adapté, une identification des sources de pollution à corriger pourrait être effectuée», soutient-il.

D’où vient cette pollution?

Dans un échange de courriel, la Ville de Montréal indique que «les valeurs inférieures à 1000 coliformes fécaux pour 100 ml obtenues aux points situés dans les parcs de Beauséjour et Raimbault (RDP-280 et RDP-305) ne permettent pas d’affirmer l’influence directe de Ri [raccordements inversés] en attente de correction.»

Les Ri, ce sont les raccordements inversés qui font que les eaux d’égouts se déversent dans les réseaux pluviaux et finissent dans les cours d’eau. La réponse se résumerait à «on ne sait pas».

«Les résultats obtenus à chacun des points prélevés dépendent d’un ensemble de facteurs dont les impacts peuvent difficilement être départagés», écrit le service des communications de la Ville de Montréal.

Préalablement, la Ville explique que plusieurs facteurs influencent la qualité bactériologique de l’eau en rive.

«Les fortes précipitations, qui entraînent une augmentation des coliformes fécaux dans l’eau due au ruissellement vers les égouts et ruisseaux; les déjections animales; et les raccordements inversés (Ri), qui permettent à des eaux sanitaires de se déverser dans les réseaux pluviaux qui se rejettent ultimement dans les cours d’eau.»

La Ville assure qu’elle travaille à résoudre le problème des raccordements inversés, autrement dit les eaux d’égouts qui se déversent dans les cours d’eau, à travers son programme PLUVIO.

«La Ville estime qu’il y aurait environ de 450 à 500 propriétés ayant un raccordement inversé sur l’île de Montréal, soit l’équivalent d’environ 0.1 % de l’ensemble des propriétés», assure-t-on.

Profiter de la rivière

Une eau de bonne qualité partout permettrait de développer des activités nautiques accessibles et probablement peu coûteuses.

«Avec une surveillance en temps réel de la qualité de l’eau, on peut offrir une baignade sécuritaire», croit M. Saladzius, de la Fondation rivières.

On pourrait alors rêver de plages sur la rivière et, d’une manière plus réaliste, de piscines en eau vive pour le bonheur de la population.

«Cela me fait penser à la ville de Saint-Jean-sur-Richelieu qui vient d’annoncer une piscine extérieure qui coûtera 20 millions $», relève-t-il.

Un coût bien supérieur à la piscine en eau vive — aménagée à même l’eau de la rivière — que Belœil, ville voisine également traversée par la rivière Richelieu, vient de se payer pour à peine 140 000 $.