Michel T., Échos Montréal, Montréal, juillet 2024
Suite au drame survenu dans un Airbnb au cœur du Vieux-Montréal le 16 mars 2023, où sept personnes ont perdu la vie dans un immeuble qui était dans l’illégalité la plus totale avec pas de fenêtres ni de système d’alarme fonctionnel ou de sortie de secours, nous avons fait mention de la gestion médiocre de la Ville de Montréal.
(Je vous invite d’ailleurs à visiter la Section Immobilière de notre site, ou à consulter l’excellent texte de François Di Candido, de l’édition de mai 2024, page 12, dans nos Archives en ligne sur echosmontreal.com).
Dont ses énormes lacunes de vérification concernant les milliers d’appartements, dont au moins 85 % d’illégaux, qu’on peut trouver sur cette plateforme en perte de vitesse, mise en place en 2008 par cette entreprise devenue une multinationale géante et milliardaire, installée dans le monde entier mais à qui nul endroit ne paie sa juste part d’impôts. Ce qui n’empêche nullement la plateforme d’offrir des milliers d’inscriptions montréalaises à ses abonnés. Et ce, en pleine Crise du Logement.
On l’a déjà mentionné Airbnb est un modèle en déclin. Autrefois une alternative sympa et souvent plus économique, voire même plus confortable que l’hôtel, ce service locatif est progressivement devenu de plus en plus dispendieux et contraignant. Sa progression depuis 2020 n’était possible que grâce la voracité mercantile de propriétaires attirés par l’appât du gain et flairant une demande touristique accrue. Et ce fut le cas d’ailleurs pendant les premières années post-pandémiques. Bien que les tarifs aient commencé à augmenter en flèche, beaucoup de touristes estimaient néanmoins que cela valait encore la peine, de par la liberté et le plus grand espace de vie que procuraient ces habitations. Cela convenait aussi aux groupes de jeunes qui pouvaient ainsi se partager le prix du loyer.
Sauf que les propriétaires ont commencé à grossièrement exagérer, demandant toujours plus cher, tout en ayant de plus en plus d’exigences logistiques contraignantes à l’égard des clients. Sans compter que ce système de plus en plus bancal a perduré en pleine Crise du Logement et a en fait même largement contribué à empirer celle-ci. Dans un contexte où se loger est plus inabordable que jamais, il y a beaucoup trop de propriétaires appâtés par les dollars-touristes, qui transforment leurs logements en des Airbnb, exacerbant la raréfaction des logements et privant par ricochet les citoyens d’options de logements à prix abordables.
Sans oublier, comme on le disait que ces hébergements sont en majorité non enregistrés et illégaux, et donc conséquemment sans apporter en l’occurrence la moindre redevance ou perception de taxes aux gouvernements québécois ou canadien, au contraire des hôtels à qui les Airbnb font concurrence et qui doivent eux assumer des frais d’exploitation et des comptes de taxes salés.
Et tout ça en bénéficiant de l’impunité la plus totale, même pour les pires contrevenants, en raison du grand manque d’inspecteurs municipaux et d’un suivi médiocre de la Ville de Montréal, conjugués à des amendes ridiculement faibles même dans les rares cas où il y a intervention, un aveu intrinsèque d’impuissance et d’impotence de l’administration montréalaise.
Hélas, en attendant que quelqu’un au gouvernail se décide enfin à faire preuve de dynamisme et de compétence, ce sont des milliers de familles ou d’individus, souvent parmi les personnes les plus démunies de la société, qui se retrouvent privées de logements à long terme, ou même de logements abordables tout court.
Or il est temps que ça cesse.
Ce bordel engendré par l’appétit pécunier de propriétaires en quête de revenu passif a assez duré et a causé bien assez de problèmes.
Le gouvernement catalan, lui, aux prises avec les mêmes problèmes, a décidé d’être enfin proactif par rapport à problème, en faisant passer une loi pour carrément éliminer d’ici cinq (5) ans tous les Airbnb de Barcelone. Une résolution qui est accueillie très favorablement par les hôteliers tout autant que les résidents. Car en plus de diminuer le tapage nocturne touristique et d’augmenter exponentiellement les disponibilités locatives du parc immobilier barcelonais, cette mesure devrait aider grandement à assainir et nettoyer les rues de la capitale catalane dont l’insalubrité et la malpropreté étaient devenues endémiques ces dernières années.
Ceci en raison du manque de civisme de bon nombre de touristes, qui faisaient de la pollution sonore à toutes les heures du jour et de la nuit, en plus d’uriner dans les rues de la ville et de jeter leurs déchets partout. Au point où les Barcelonais, dans leur ville devenue une simple destination de plaisirs décadents, de rencontres lubriques et beuveries extrêmes ; avaient l’impression de ne plus avoir du tout le contrôle et de n’y être que des passagers de second ordre.
Cette belle initiative devrait absolument être envisagée pour Montréal, où les mêmes exacts problèmes se posent. Cela permettrait d’une part à notre ville – décidément bien malmenée depuis l’arrivée de Valérie Plante au pouvoir – de retrouver en disponibilité un parc locatif supplémentaire estimé à près de 10 000 logements, tout en contribuant à résorber d’autant les phénomènes de malpropreté et de présence itinérante dans les rues de la métropole. Sans oublier que cela aiderait le formidable bassin d’établissements hôteliers dont Montréal dispose à retrouver un niveau d’achalandage commercialement viable.
C’est aux hôtels, auberges et établissements touristiques officiels que doit appartenir la fonction principale d’héberger les touristes. Si d’autres villes du monde l’ont compris, il serait temps que Montréal fasse preuve de la même intelligence. Et de la même détermination.