Crédit photo : Jean Kazemirchuk.

Le monde autochtone, une histoire d’amour et d’amitié pour Lucie Lachapelle

Dominique Roy, L’Indice bohémien, Abitibi-Témiscamingue, avril 2024

Dans son récit autobiographique, Les yeux grands ouverts, publié en février aux éditions de la Pleine Lune, Lucie Lachapelle raconte 34 tranches de vie qui ont marqué ses relations avec le monde autochtone. Ce peuple, elle le côtoie depuis près de 50 ans. Dans ces fragments, elle décrit des rencontres et des moments imprégnés à tout jamais dans son ADN, qui ont contribué à forger son identité et qui ont inspiré son parcours de cinéaste et d’auteure.

« Mon séjour à Kangiqsualujjuaq a orienté le cours de ma vie. »

Le premier contact de Lucie Lachapelle avec les peuples autochtones remonte à ses 18 ans, alors qu’elle est engagée pour assister sa cousine, dentiste, dans une tournée des villages inuits de la baie d’Ungava. Cet emploi étudiant allait à tout jamais chambouler son existence, éveillant en elle une curiosité, une passion, de l’empathie et de la bienveillance pour ces gens hors du commun et leur culture si authentique. De ce voyage est né le désir de revenir, un jour, en sol inuit.

« Mais pourquoi donc venir jusqu’ici si ce n’est pas pour connaître les Inuits, mêler nos vies, mêler nos sangs? »

On lui avait recommandé de verrouiller sa porte, de fermer les rideaux et de ne créer aucun lien avec les Inuits. Cela pouvait lui attirer des problèmes. Cette loi non écrite, jamais elle n’y a consenti. L’amalgame a été instantané.

Il y a Kitty qui lui fait découvrir son village; Ida, une amie avec qui elle s’adonne à de nombreuses activités; Lucassie, un amour de jeunesse; ses élèves qui lui font confiance et démontrent une profonde affection; Georges Pisimopeo, l’Abitibien né d’une mère crie et d’un père métis, avec qui elle fonde une famille et donne naissance à deux enfants; la mère de Georges, cette femme-musée qui connaissait tout de la faune, de la flore et des forces invisibles; Georges Matawashish, l’homme au silence paisible; X, qui est sauvée in extrémis après s’être étendue sur les rails pour en finir avec la vie; Pauline et Léo, qui fait d’elle la marraine du petit Yan; Agathe, dont le village a sombré au fond de l’eau… À la lecture de ces moments partagés avec des êtres plus grands que nature, on vit avec elle l’intensité des sentiments.

« Oui, je suis l’enseignante, mais j’ai tout à apprendre d’eux. Ils sont mes professeurs. »

De ces peuples autochtones, elle a beaucoup appris : leur mode de vie, la chasse, la pêche, la trappe, le quotidien sans commodité, leur langue, le respect, l’amour, l’humilité, le courage, la sagesse, l’honnêteté, la vérité. Malgré le ressentiment et la colère de l’Autre envers les Blancs, nombre d’entre eux sont prêts à risquer leur vie pour sauver une étrangère. Elle en a été témoin.

« Mais la laideur est partout. »

La narratrice évoque aussi les souvenirs les plus tristes et les plus douloureux. Il y a cet homme qui a tenté de l’agresser, cette femme qui subit la violence de son mari, ceux qui perdent la tête quand débarquent les cargaisons d’alcool, ce traumatisme générationnel des pensionnats, ce mal-être qui conduit au suicide d’un trop grand nombre d’Autochtones, ces mauvais traitements et cette arrogance des Blancs… Cette noirceur, elle est d’un côté comme de l’autre.

« Je suis une alliée depuis près de cinquante ans. »

Que ce soit au Nunavik, à La Macaza, en Abitibi ou à Eeyou Istchee, les nations autochtones du Québec ont grandement contribué à la quête identitaire de Lucie Lachapelle. Chaque récit en fait foi!