Roger Lafrance, Journal Mobiles, Saint-Hyacinthe, avril 2024
La colère gronde en agriculture. En France, les agriculteurs ont manifesté leur ras-le-bol sur les routes et les places publiques. Au Québec, les tracteurs ont envahi les routes dans l’est du Québec surtout, mais la grogne pourrait s’étendre jusqu’à nous.
Même combat? Oui et non. En France, les agriculteurs en avaient surtout contre la concurrence déloyale provenant d’autres pays d’Europe, les tracasseries de la bureaucratie et les hausses des coûts de production. Au Québec, à ces sujets, s’ajoutent la météo misérable de 2023 et un endettement qui ne cesse de s’alourdir. Bien des agriculteurs peinent à se dégager un salaire décent.
Selon l’UPA, le revenu net des fermes pourrait baisser de 86% en 2024, après une baisse de 49% en 2022. Les programmes d’aide financière ne suffisent plus, tant l’assurance récolte que l’assurance stabilisation des revenus agricoles.
Bien sûr, la problématique est complexe et les solutions ne peuvent être simples. Les aléas de la météo ont toujours fait partie de la réalité des agriculteurs. C’est aussi vrai pour les maladies (grippe aviaire) ou les problèmes structurels, comme dans l’industrie du porc par exemple.
On peut penser que tout cela se passe bien loin des consommateurs que nous sommes. Or, ce ne l’est pas. Chaque fois qu’on impose des normes environnementales ou qu’on rehausse les conditions des travailleurs, on ajoute de la bureaucratie, on augmente les coûts d’exploitation.
Or, la plupart des consommateurs ne veulent jamais payer davantage pour leur alimentation. Dans la dernière année, la hausse du panier d’épicerie a souvent défrayé les manchettes.
La recherche du plus bas prix possible a des conséquences néfastes sur notre agriculture. Cela signifie qu’on préfère souvent acheter des produits provenant de l’étranger, de fermes qui exploitent une main d’œuvre bon marché et qui se soucient peu des normes environnementales. Nos producteurs peuvent difficilement les concurrencer.
Choisir l’agriculture locale fait partie de nos responsabilités comme consommateur. Depuis plusieurs années, votre journal Mobiles a mis à l’avant-plan plusieurs petits producteurs de la région dans le but de les faire connaître et avec le souci de promouvoir une agriculture variée et plurielle. Plus nous soutenons nos producteurs locaux, plus notre région sera dynamique et sera un milieu de vie agréable à habiter.
Bien sûr, les consommateurs ne peuvent pas tout régler. L’État doit s’assurer que les agriculteurs puissent opérer dans de bonnes conditions et vivre décemment de leur métier. Il y a certainement des ajustements à faire dans nos programmes d’aide et dans l’allègement de la bureaucratie.
Soutenir plus généreusement nos producteurs est-il la bonne solution, comme le préconise l’UPA? Pas sûr, même s’il est vrai que bien des pays soutiennent davantage leur agriculture.
Mais, les consommateurs ont aussi une responsabilité. La politique du meilleur prix possible n’est souvent pas la meilleure. Payer le juste prix pour nos denrées alimentaires est plus porteur à moyen et long terme.