La Côte-Nord n’est pas épargnée

Éric Cyr, Le Trait d’union du Nord, mars 2024

Une coalition d’organismes communautaires nord-côtiers dénonce l’inaction des gouvernements dans le dossier de l’accessibilité aux logements locatifs, qui s’est grandement détériorée au Québec, mais aussi sur la Côte-Nord. Les groupes communautaires évaluent que malgré une mise à jour des données de Statistique Canada en tenant compte du dernier recensement, celles-ci sous-estiment grandement la réalité puisque les revenus sont basés sur ceux de 2020. Cette année-là, les prestations d’urgence implantées par les gouvernements pour soutenir les ménages durant les premiers mois de la pandémie de Covid-19 ont provisoirement gonflé les revenus d’un grand nombre de locataires. D’autre part, depuis le recensement, la hausse du coût du loyer et l’inflation généralisée ont fait très mal et se font durement sentir chez les ménages locataires à faibles et modestes revenus.

Citation : « Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement de François Legault a ignoré les signaux d’alarme. On voit d’année en année le désespoir des locataires de la région augmenter et la pénurie accentue la vulnérabilité », s’inquiète la directrice du groupe de ressources techniques baie-comois Cité des Bâtisseurs, Doris Rochette, qui remarque que, dans le contexte actuel, plusieurs peinent à trouver un logement décent sur le marché privé et que les logements disponibles à la location sont pour leur part beaucoup plus dispendieux ce qui rend très ardue la tâche de ménages forcés de déménager, par exemple à la suite d’une éviction ou d’une séparation. 

Le plus récent rapport sur le marché locatif de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) publié le 31 janvier dernier faisait état du peu de logements disponibles à la location dans les centres urbains de la Côte-Nord. À 0,5 % depuis l’an dernier, le taux d’inoccupation n’a jamais été aussi bas à Baie-Comeau. À Sept-Îles, c’est le plus faible taux d’inoccupation en 10 ans à 1,3%. Pour le Québec, le loyer moyen, qui avait déjà été amplifié de 9 % d’octobre 2021 à octobre 2022, s’est aussi accru de 7,4 % l’an dernier. La SCHL conclut que « l’augmentation des loyers a dépassé à la fois l’inflation et la progression des salaires ». Malheureusement, il n’y a pas de données de la SCHL pour Fermont.

Des annonces insuffisantes

Selon les organismes communautaires, les 8000 logements sociaux « et abordables » additionnels, échelonnés sur une période de 5 ans, annoncés lors de la dernière mise à jour économique de Québec, représentent un premier pas dans la bonne direction, mais sont grandement insuffisants pour faire obstacle aux graves conséquences de la pénurie extrême d’appartements locatifs. Ils s’inquiètent qu’il n’y ait pas d’assurance que ces logements seront tous des logements sociaux financés dans le cadre d’un programme gouvernemental et de la lenteur à faire aboutir ces sommes vers des projets concrets. En effet, le financement de seulement 1000 des 1500 unités annoncées dans le Programme d’habitation abordable Québec (PHAQ) de la Société d’habitation du Québec dans le budget 2023 a été révélé en décembre dernier et il n’y en a aucun sur la Côte-Nord. Pourtant, des initiatives qui totalisent au moins 5000 logements sociaux et communautaires avaient été déposées par des groupes de ressources techniques en réponse à l’appel de projets.

« Le gouvernement doit passer à la vitesse supérieure », s’impatiente une porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), Véronique Laflamme. À son avis, le prochain budget du ministre des Finances du Québec, Éric Girard, doit redresser la barre afin de faire progresser la part de logements sans but lucratif dans le parc locatif.

À ce sujet, le FRAPRU a lancé une opération de visibilité intitulée « La clé, c’est le logement social ». Le regroupement invite la population à interpeller la ministre québécoise de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, et le premier ministre, François Legault. Un courriel leur demandant de financer le logement social à la hauteur des besoins peut ainsi leur être envoyé en quelques clics à l’adresse : www.frapru.qc.ca/cle/.