Sébastien Michon, Le Val-Ouest, Valcourt, novembre 2023
« Viens m’aider, j’ai besoin de toi ». Cette phrase, le Racinois Gaston Michaud l’a utilisé des milliers de fois. Pour interpeller et associer des gens à l’un ou l’autre des projets collectifs qu’il a initiés. Avec la publication de son plus récent livre, « Fais-leur construire une tour », l’homme de 88 ans est à l’heure des bilans. Il tente de répondre à une question qui lui tient à cœur : pourquoi a-t-il choisi de s’impliquer dans un aussi grand nombre de projets au cours de sa vie?
« Pourquoi des réflexes d’entraide? »
Pendant son parcours, Gaston Michaud a été fondateur et responsable de nombreuses initiatives citoyennes et communautaires. À au moins dix reprises, il a aussi été président d’organismes. Qu’est-ce qui l’a si souvent poussé en avant pour devenir organisateur d’un « nombre indéfini de projets et de corvées »?
« Il y a un mystère là-dedans. Pourquoi ai-je été aussi fou? Pourquoi mes réflexes sont-ils toujours des réflexes d’entraide? », se demande-t-il. Sa façon d’y répondre a été d’écrire ce livre, débuté en décembre 2021, pendant la pandémie. Il y revisite les moments importants de sa vie où l’implication était au rendez-vous. Tout y passe : son enfance, son travail comme animateur dans un camp de vacances aux États-Unis, ses années comme vicaire dans un quartier pauvre de Montréal, la création d’un camp familial à Racine, sa gestion d’une scierie à Maricourt, ses tâches d’administrateur à la défunte Caisse populaire de Racine, la fondation du Marché Locavore et de La Brunante… Pour ne nommer que ceux-là.
« Les gens se sont révélés plus grands que nature »
« Gaston amène les gens de son entourage à agir avec leurs forces et leurs lumières. Avec une volonté et un espoir de créer un monde meilleur. (…) Il croit en l’humain et en son potentiel. Dès son enfance (…) Gaston a ressenti le besoin de tendre la main, d’aller chercher l’autre. Pour demander de l’aide certes, mais aussi pour lui offrir l’opportunité de se reconnaître dans la richesse de sa différence et de vivre ses talents et ses aptitudes en lui permettant de les exploiter », témoignent les sœurs racinoises Micheline et Renelle Jeanson, dans la préface du livre.
Pour Gaston Michaud, être témoin de la réussite d’un groupe qui travaille ensemble, « c’est le ciel ». Il ajoute : « J’ai eu la chance et le bonheur d’éprouver un profond sentiment de plaisir à plusieurs reprises dans ma vie. Souvent dans des projets plus grands que nature. Où les gens ce sont, eux aussi, révélés plus grands que nature. J’ai aussi souvent ressenti que ceux qui étaient à l’œuvre avec moi avaient ce même sentiment de plénitude. »
« Se mettre au monde à travailler ensemble »
Au-delà de la concrétisation de projets, son plaisir c’est, selon son expression, de « voir naître » des individus qui ont choisi de s’impliquer dans leur communauté. « Les gens se mettent au monde à travailler ensemble. À se faire reconnaître et à se respecter mutuellement. »
Avec la publication de son plus récent livre, « Fais-leur construire une tour », le Racinois Gaston Michaud, 88 ans est à l’heure des bilans. Il se demande : «Pourquoi ai-je choisi de m’impliquer dans un aussi grand nombre de projets au cours de ma vie?» (photo : Sébastien Michon – Le Val-Ouest)
Pas un écrivain, un orateur
Même s’il publie son quatrième ouvrage, Gaston Michaud ne se dit pas écrivain. « Je suis d’abord un orateur. Toute ma vie, j’ai parlé en public. En commençant par des sermons. C’est là que je suis à l’aise. En fait, j’écris comme je parle », affirme-t-il.
Il révèle qu’écrire des livres est d’abord et avant tout l’expression d’un élan, de « quelque chose qui bouillonne » en lui. « Quand c’est mûr, je pars. C’est comme si j’explosais. Ça sort, ça déboule. Je me lève le matin et j’écris un chapitre pendant la journée. » Passionné, Gaston Michaud? « Oui. Je dis toujours que quelqu’un qui n’est pas passionné, il n’est pas passionnant. »
« Le leadership, c’est une inspiration »
Comment définit-il le leadership, lui qui a joué ce rôle à de si nombreuses reprises dans sa vie? « Si tu lances un ballon dégonflé, il reste par terre. Si tu l’inspires, il rebondit. Pour moi, le leadership, c’est une inspiration. Donner un élan. Souffler les ballons des gens pour qu’ils rebondissent. À ce moment, ils ne peuvent pas être endormis. Il faut qu’ils bougent. »
Pour lui, la société ne peut faire l’économie du leadership. « Supposons qu’il y a 40 calorifères à 10 degrés dans une salle. Quelle est la température? Il fait 10 degrés. Si, dans une population, tout le monde est à 10 degrés, il ne se passera rien. Par contre, s’il y en a un qui monte la température, ça fait monter le reste. »
Bâtir des projets pour créer une communauté
L’un des fils conducteurs de ses implications a toujours été la mise en œuvre de projets concrets, qui demandent de se retrousser les manches et de parfois se salir les mains. « C’est en bâtissant ensemble des projets qu’on crée une communauté. Ce n’est pas avec des discours. Il faut des mains qui travaillent ensemble. Pour moi, c’est fondamental. » Il aime d’ailleurs citer l’ex-président américain Benjamin Franklin à cet égard : « Les idées prennent forment lorsqu’elles endossent leur habit de travail.»
« Un élan de travail généreux et colossal réalisé à Racine »
Micheline et Renelle Jeanson, dans le témoignage qu’elles livrent dans l’ouvrage, tiennent à souligner l’importance de l’implication de Gaston Michaud dans la région. « Son passage dans notre village donne à lui seul un sens à une vie. Nous, natives de Racine, voulons reconnaître et valoriser cet étranger, Racinois depuis seulement 43 ans, pour son élan de travail généreux et colossal réalisé à Racine. Dès son arrivée, Gaston reconnaissait déjà les valeurs communautaires racinoises. Il nous aura appris à les apprécier et surtout à les canaliser dans des projets collectifs imposants et répondant à des besoins, tels que la Coopérative de développement, La Brunante et le Marché Locavore. Par son exemple, il nous incite également à perpétuer ces valeurs qui suscitent et garantissent le mieux-être d’une communauté. »
Sur la couverture du livre de Gaston Michaud, on trouve une photo prise lors de la construction collective du Marché Locavore, à Racine. (photo : Sébastien Michon – Le Val-Ouest)
Mariette, sa complice de tous les instants
Il serait impossible de parler des implications de Gaston Michaud sans parler de sa complice depuis 32 ans : Mariette Bombardier. Alors que Gaston est visionnaire et rassembleur, Mariette est celle qui, souvent, prend le téléphone pour mobiliser. Le couple accueille encore régulièrement des réunions de travail dans leur domicile. Des moments où Mariette prend plaisir à concocter aux groupes de bons repas. « L’amour, il faut que ce soit un partenariat heureux », résume Gaston Michaud.
Il tient d’ailleurs à ce que son épouse soit présente à chacune de ses conférences. « Mariette est bonne communicatrice. Elle peut me couper n’importe quand. Ses interventions sont limpides, bien orientées et précieuses. Des fois, elle me dit lorsque j’ai oublié quelque chose. J’aime ça. »
Au moment de l’entrevue, Mariette partage un proverbe africain qui l’inspire : «Le premier homme qui est entré au paradis, c’est celui qui a refusé d’y aller tout seul. » Pour elle, le proverbe illustre bien la façon d’agir de son compagnon : « Gaston regroupe toujours des forces. Il met le monde ensemble pour faire naître un projet. Tant de personnes qui renaissent à leurs talents et à leur savoir-faire. »
« Donner avec de l’amour inconditionnel »
Ces deux octogénaires savent que, par leurs actions, ils créent leur propre bonheur. « Et on n’a même pas besoin de se forcer! », rétorque Gaston Michaud. « C’est en nous, de donner avec de l’amour inconditionnel. On n’a jamais un sou de tout ce qu’on fait. Mais nous sommes récompensés au centuple », de dire de son côté Mariette Bombardier.
« Plus je suis utile, plus je vis »
Bien qu’il croit que ses actions relèvent du mystère, Gaston Michaud semble tout de même bien conscient de son impact sur le monde qui l’entoure. Lors de l’entrevue, il tient à citer l’auteur Bernard Shaw qui, par ses mots, semble résumer son parcours. « Mon idée est faite. J’appartiens à l’humanité. Et pour toute la durée de ma vie, je considère un privilège d’accomplir pour elle tout ce qui est à l’intérieur de mes capacités. Quand je mourrai, je voudrais être usé à la corde. Parce que plus je suis utile, plus je vis. Le simple fait de vivre me réjouit. Pour moi, la vie n’est pas une petite chandelle avare de sa lumière. C’est comme un flambeau rayonnant que je tiens bien haut. Et je veux qu’il brille au maximum avant de le transmettre à la relève. »
Le livre Fais-leur construire une tour est disponible aux endroits suivants :
- Racine : Friperie du village et Fromagerie Nouvelle-France
- Valcourt : La Paperasse
- Sherbrooke : Biblairie GGC
Reportage télévisé de TVME sur le lancement du livre :