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Le sport : mettre fin à l’omerta

Marie-Pier Quessy, La Gazette de la Mauricie, Trois-Rivières, novembre 2023

Sport, nom masculin désignant une « activité physique exercée dans le sens du jeu et de l’effort, et dont la pratique suppose un entraînement méthodique et le respect de règles » (Le Robert, 2023). Pourtant, dans les dernières années, nous avons pu découvrir une tout autre facette du sport. Il a effectivement été décrié comme une organisation où, comme dans beaucoup de domaines, dominent le pouvoir et la notoriété. Étant donné que les agressions à caractère sexuel sont en fait des abus de pouvoir en utilisant la sexualité pour dominer l’autre, on comprend bien que le milieu sportif est un endroit malheureusement propice aux violences sexuelles. Cela a d’ailleurs été confirmé dans de nombreuses actualités depuis les dernières années et encore récemment, et ce, pas seulement en Amérique du Nord.

Pensons entre autres à toutes les allégations dans le hockey, que ce soit le viol collectif par des joueurs de hockey mineur, tout le dossier d’Hockey Canada ou encore les activités d’initiations violentes dans les ligues juniors canadiennes. Il n’y a pas de doute, le hockey est un environnement traditionnellement masculin qui répète les stéréotypes de notre société. Pensons également aux allégations en gymnastique, notamment chez nos voisins américains avec la condamnation de Larry Nassar, mais aussi plus près de nous en Ontario avec l’organisation Gymnastique Canada. D’autres sports ne sont pas exclus de cette triste et choquante réalité, notamment le tennis, le soccer et même les échecs. Force est de constater qu’il y existe une culture du viol, des pratiques toxiques ainsi qu’une omerta dans le domaine du sport.

MANIFESTATIONS ET AMPLEUR DU PHÉNOMÈNE

Les violences sexuelles peuvent être commises par différentes personnes entourant le milieu sportif telles qu’une entraineur-euse, des parents, du personnel administratif, d’autres athlètes ou des membres de l’équipe médicale. Il peut aussi s’agir d’agressions à caractère sexuel perpétrées par les athlètes envers des spectateur-trices ou d’autres membres de la communauté, puis qui sont banalisées ou cachées pour ne pas nuire au potentiel de l’athlète ni à sa réputation. Encore une fois, les enjeux de pouvoir sont au cœur de la problématique. Ajoutons à cela l’aspect compétitif qui permet de maintenir le silence et par le fait même le pouvoir sur les personnes victimes.

Les manifestations de la violence sont multiples. Elles peuvent survenir dans divers contextes, tels qu’aux entraînements, dans les vestiaires, au domicile de l’agresseur-euse, lors de compétitions ou encore de célébrations. Selon une étude de Parent et al. (2018) de l’Université de Montréal, 28,2 % des jeunes athlètes québécois de 14 à 17 ans rapportent avoir subi des violences sexuelles. La prévalence serait d’ailleurs sous-estimée selon l’équipe de recherche. La question des violences à caractère sexuel dans le sport génère de l’intérêt depuis les années 1980 et encore plus de nos jours. En 1996, Kirby et Greaves ont publié une étude mettant en lumière que plus de 8,6 % des athlètes canadien-nes de haut niveau ont eu des relations sexuelles forcées avec des personnes en autorité dans leur discipline sportive. Des constats semblables ont été relevés dans une étude danoise (Toftegaard, 2001); c’est-à-dire que 8,5 % des filles de moins de 18 ans ont été embrassés sur la bouche par leur entraîneur-euse. Le phénomène de la violence sexuelle en contexte sportif est malheureusement peu documenté, bien qu’on en entende de plus en plus parler dans les médias. C’est tout de même sans aucun doute un phénomène préoccupant.

COMMENT RENVERSER LA TENDANCE ?

Bien qu’il existe des mécanismes pour prévenir les violences et mieux protéger les athlètes, c’est une problématique importante à laquelle il faut s’attarder. Il faut augmenter la prévention dès le plus jeune âge, responsabiliser les personnes qui agressent pour leurs actes et adopter des stratégies gouvernementales qui contribuent à l’égalité des genres. Individuellement, il faut éduquer nos enfants et notre entourage au respect du corps, de la bulle, des limites, du consentement. Finalement, il faut aussi mettre fin à la loi du silence. Conscientisons-nous, à tous les niveaux de la société, en continuant de dénoncer les abus et en cessant de banaliser les violences sexuelles, quel que soit le geste, la parole ou l’attitude qui a été commis. Une société plus juste et plus égalitaire, c’est aussi une société où les athlètes peuvent se permettre d’évoluer dans leur activité sportive en toute sécurité et qui leur permet de se dépasser dans une compétitivité saine.