Rachat Antonius, chercheur et professeur retraité de Sociologie à l’UQÀM devant l'école primaire Saint-André-Apôtre où ses enfants ont été. Cette école est l'une des raisons qui a incité M. Antonius à emménager dans Ahuntsic. (Photo: François Robert-Durand, JDV)

Rachad Antonius, sociologue local… de renommée mondiale

Maureen Jouglain, Journaldesvoisins.com, Montréal,
octobre 2023

Rachad Antonius, chercheur et professeur de sociologie retraité, vit dans Ahuntsic depuis 35 ans. Après une carrière internationale prolifique, c’est au cœur du quartier qu’il profite de ses beaux jours.

Il m’invite chez lui, dans sa maison, tout près de l’église catholique Saint-André-Apôtre. Un lieu significatif pour celui qui a consacré une partie de ses réflexions en sociologie aux questions d’intégration et d’accueil des immigrants.

En effet, l’aspect religieux mis de côté, la paroisse abrite plusieurs initiatives de solidarité internationale, dont certaines activités de l’Union des familles d’Ahuntsic, un organisme très cher à M. Antonius.

Rachad Antonius, chercheur et professeur retraité de sociologie à l’UQÀM, devant l’église Saint-André-Apôtre, tout près de son domicile. (Photo: François Robert-Durand, JDV)

Quitter l’Égypte

Rachad Antonius est passé de mathématicien en Égypte à sociologue au Québec.

Il pose ses valises pour la première fois au Québec, en 1969. En Égypte, dans les années 1960, beaucoup de personnes de sa communauté cherchent à quitter le pays: «À cette époque, tout un milieu était mal à l’aise avec les politiques nationalistes qui s’installaient en Égypte et a décidé d’émigrer en masse.»

Ce groupe de gens, ce sont les Syro-Libanais d’Égypte, une minorité elle-même immigrante et dont faisaient partie ses grands-parents. C’est dans ce contexte qu’il arrive à Montréal pour y retrouver sa sœur et bon nombre de ses amis.

«Deux semaines après être arrivé, je suis invité à une soirée et j’y ai croisé une trentaine de personnes que je connaissais d’Égypte», se souvient-il.

Les maths

C’est également par le biais de ses études en mathématiques qu’il s’intègre à la société québécoise. Il enseigne d’abord quelques mois à Chicoutimi avant de rejoindre l’Ouest canadien pour entamer une maîtrise à l’Université du Manitoba, puis un doctorat, qu’il peine à finir. De retour à Montréal, il poursuit ses études, avant de les interrompre une nouvelle fois.

La tête pleine de questions sociales et politiques, M. Antonius migre alors graduellement vers la sociologie: «Je me suis aperçu que j’avais passé beaucoup de temps à lire des analyses sur le développement, le sous-développement, les inégalités, les conflits politiques… Donc, au moment où j’ai commencé mes études en sociologie, j’étais pas mal prêt déjà.»

Rachad Antonius, chercheur et professeur retraité en sociologie à l’UQAM. (Photo: François Robert-Durand, JDV)

Il commence un nouveau doctorat en sociologie, qu’il finit cette fois-ci à l’UQAM. D’abord embauché pour enseigner les statistiques aux sociologues à l’Université du Québec à Montréal, il se forge peu à peu une place au sein de la discipline.

Au fil de sa carrière, il s’intéresse aussi bien au conflit israélo-palestinien qu’aux inégalités nord-sud, en passant par les questions d’intégration et de discrimination en Occident. Pendant une dizaine d’années, on a également pu l’entendre au micro de Radio-Canada, démythifiant les conflits au Proche-Orient, semaine après semaine.

Un quartier accueillant

Antonius se dit chanceux. Il est arrivé dans une période prospère pour les immigrés diplômés, tout en ayant un réseau déjà formé autour de lui. Ce n’est pas le cas de toutes les personnes nouvellement arrivées. C’est pourquoi il est fier de son quartier. Que ce soit par des bazars, des activités sociales, de l’aide aux devoirs, etc., ces initiatives dynamisent Ahuntsic-Cartierville, selon lui.

«Quand les enfants étaient jeunes, on participait à beaucoup d’activités, puis j’étais en lien avec les gens de la paroisse même si je n’y allais pas», se rappelle-t-il.

Il se souvient de son arrivée dans le quartier: «C’est l’école Saint-André-Apôtre qui m’a fait venir ici, et la proximité avec des proches. Ayant des enfants en bas âge, je voulais une bonne école et être entouré.»

Trente-cinq ans plus tard, il habite toujours la même maison et ne s’imagine nulle part ailleurs. Il s’y consacre à l’écriture et a publié pas moins de deux livres depuis sa retraite en février 2021: Identité, «race», liberté d’expression – Perspectives critiques sur certains débats qui fracturent la gauche (coécrit avec Normand Baillargeon, aux éditions des Presses de l’Université Laval).

Son plus récent ouvrage, Islam et islamisme en Occident: éléments pour un dialogue (Presses de l’Université de Montréal), écrit en tandem avec son collègue Ali Belaidi, est sorti il y a quelques mois seulement (en janvier 2023).

L’écriture, donc, la vie de quartier et le sport rythment désormais ses journées. À la fin de notre entretien, il s’est d’ailleurs empressé de récupérer sa raquette de tennis: un match l’attendait au parc Nicolas-Viel…