Crise du logement : escalade de critiques injustifiées

Vincent Di Candido, Échos Montréal, Montréal, juillet 2023

Chaque année, à l’approche du 1er juillet, on constate qu’un nombre de croissant de personnes, dont un nombre préoccupant de familles, ont de la difficulté à se trouver un logement à prix raisonnable.

C’est une situation qui sévit dans toutes les grandes villes du Québec, mais qui prend une saveur encore plus singulière à Montréal où l’augmentation tous azimuts des prix du parc immobilier a été particulièrement ressentie.

Pour plusieurs, c’est une autre occasion en or d’en attribuer la faute aux Caquistes et d’en profiter pour décrier le Gouvernement Legault, sans faire preuve du moindre discernement. Pour étayer de sophisme leurs arguments biaisés, certains journalistes n’hésitent pas à dévoiler les détails personnels de plusieurs ministres devenus propriétaires de maisons de bonne valeur. Comme si c’était une tare de réussir sa vie!

Il s’agit d’une manière complètement démagogique de tenter d’associer symboliquement dans l’esprit populaire les possessions immobilières des politiciens, avec la Crise du Logement. Et c’est déplorable. Ces gens ont choisi un domaine professionnel qui leur assure un salaire intéressant et ont tout à fait le droit de profiter des fruits de leur labeur. Au même titre, qu’un entrepreneur, qu’une femme d’affaires ou qu’un restaurateur qui auraient réussi.

Par exemple, faisant preuve de plus de nuances et d’une meilleure volonté analytique objective, Joseph Facal du Journal de Montréal faisait état des difficultés à mettre en chantiers des projets de logements à prix contrôlés, tout en ne connaissant pas en parallèle les coûts reliés aux matériaux de construction et à l’entretien des bâtiments, qui ont explosé depuis plusieurs années, un phénomène accru à l’exponentiel depuis la crise pandémique.

D’autres facteurs viennent se rajouter en corollaire, comme la recrudescence de l’Immigration, causant une demande forcément accrue pour des logements versus une offre immobilière raréfiée. L’augmentation des séparations de couples a pu elle jouer aussi jouer sa part, doublant la recherche d’un appartement. Et bien sûr la crise pandémique elle-même, qui est non seulement venue tarir massivement le nombre des mises en chantiers pendant plusieurs années, mais qui en plus s’est doublée de changements dans les orientations comportementales citoyennes, au profit d’un plus grand désir de sédentarité. Et finalement, tout cela a aussi incité les banques à réagir, dont la Banque centrale du Canada, avec une montée en flèche des taux d’intérêts, qui nécessite conséquemment un plus gros investissement désormais pour l’achat d’une maison, la moyenne atteignant ainsi 500 000 $, ce qui ne correspond plus du tout au salaire moyen des Québécois.

Les gens ont pris conscience du privilège de posséder son chez-soi, particulièrement alors que la société était semi-paralysée à domicile, et avec en corollaire un essor du modus operandi en télétravail, un constat qui en incite beaucoup à ne pas vouloir déménager. Quand on a un logement, on veut le garder. Avec comme résultat une valeur soudainement sublimée des biens immobiliers, et une offre quantitative immobilière en chute libre versus un énorme boom de la demande pour l’accès à la propriété. Tout cela bien sûr s’est conjugué en cascades pour résulter en une explosion des prix du marché immobilier, tant pour l’achat que pour la location, les propriétaires voulant évidemment profiter de la manne soudaine.

Cela dit, la réponse gouvernementale n’a certes pas été sans anicroches. Nommément, le manque d’empathie de la Ministre de l’Habitation FranceÉlaine Duranceau, et son incapacité apparente à déchiffrer le climat ambiant, alors qu’elle suggérait essentiellement que les gens devraient simplement songer à s’acheter une propriété pour régler le problème et pouvoir décider eux-mêmes des conditions de leur chez-soi. C’est une déclaration qui fait preuve d’une troublante déconnexion de la Ministre, voire même d’une certaine condescendance inacceptable, envers la réalité quotidienne de la majorité des Québécois. Il serait bon que le Premier Ministre François Legault la ramène sur terre et lui fasse comprendre que ce n’est pas tout le monde qui dispose de son succès financier et son confort budgétaire.

Tout cela étant dit, il serait donc pertinent de faire une vraie rencontre exhaustive avec tous les grands décideurs dans ce domaine, en impliquant tous les paliers gouvernementaux pour l’élaboration d’un pacte social apte à mieux protéger la pérennité de logements sociaux à prix abordables et à assurer concrètement l’accès pour les familles à faible revenu à ce droit fondamental qu’est celui de se loger. C’est illusoire de croire qu’une baguette magique règlera ce problème qui touche bien des pays dans le monde.