Julie Côté, Graffici, Gaspésie, juin 2023
Le vent froid soufflait très fort dans le secteur de la Petite-France de Gaspé au début du mois d’avril, mais on l’oubliait assez rapidement après avoir passé la porte de la demeure de Sherwin Dela Cuesta, là où il habite en compagnie de plusieurs collègues du fabricant de pales d’éoliennes LM Wind Power. Toujours de nature généreuse, celui qui est aussi président de l’Association des Philippins de la Gaspésie a bien voulu ouvrir ses portes à GRAFFICI le jour de son anniversaire pour mettre ses collègues en valeur.
« On est vraiment un groupe tissé serré, donc on aime se rassembler régulièrement », avance-t-il d’entrée de jeu. Dès notre arrivée dans le logement qui lui est offert par la compagnie, une pléthore de plats traditionnels allant du pancit – un plat de nouilles servi avec du citron – au poulet frit, en passant par le spaghetti et les gâteaux de riz avec du fromage orange, étaient tous prêts pour la dégustation. « La nourriture apporte un bon souvenir de la maison », raconte Arnold Davis, un autre travailleur philippin de chez LM, également présent lors de la soirée.
Une table pleine de plats philippins avait été préparée lors la soirée à laquelle était invité GRAFFICI. Photo : Julie Côté
Originaire de Dasmariñas, dans le nordouest de l’archipel d’Asie du Sud-Est, Sherwin Dela Cuesta travaille comme lamineur de fibre de verre chez LM depuis mai 2019. Il avait d’abord quitté son pays en 2003 pour aller travailler en Arabie Saoudite.
« Il y avait du travail aux Philippines, mais c’est vraiment le salaire là-bas qui n’est pas comparable à l’Arabie Saoudite, ou même au Canada. Je peux faire l’équivalent de quatre mois de travail dans mon pays en un seul mois ici », mentionne celui qui s’exprime en anglais, mais espère pouvoir un jour être à l’aise de le faire confortablement en français. Les travailleurs étrangers temporaires de chez LM Wind Power, comme Sherwin, reçoivent un cours de français par semaine. « C’est une langue difficile, mais on continue d’apprendre régulièrement », ajoute-t-il.
Durant ses 14 ans de travail au Moyen-Orient, l’idée d’immigrer au Canada germait déjà dans la tête de Sherwin. « J’ai des proches qui habitent Vancouver, donc quand j’ai vu l’offre d’emploi de LM sur Internet, qui me permettait de travailler au Canada, je ne voulais pas laisser passer l’opportunité.»
Les fêtes se terminent souvent en karaoké. Sherwin Dela Cuesta est au centre de la rangée du fond, Arnold David porte une casquette rouge et Vernard Sante la tuque brune. Photo : Julie Côté
Faire une différence
Trois ans plus tard, et avec 200 nouveaux employés philippins au sein de la compagnie, Sherwin ne pourrait pas être plus heureux en Gaspésie. « Les gens sont vraiment généreux, gentils et très accueillants. »
En novembre 2020, il a lancé sur les réseaux sociaux une page dans le but de rassembler tous les Philippins vivant à travers la péninsule gaspésienne. « Ce sont majoritairement des gens qui travaillent chez LM, mais on a également quelques familles qui habitent la Gaspésie depuis les 18 dernières années! Ça nous a permis de retracer le plus de gens possible afin de nous rassembler », précise-t-il.
À travers les années, le groupe a organisé près d’une dizaine d’activités publiques, en plus des événements un peu plus privés, comme des anniversaires. « En plus de faire des activités sportives et culturelles, comme une ligue de basketball, une introduction au hockey et aux sports de glisse de même que des sorties karaoké, on recherche également à redonner à l’endroit d’où on vient et là où on vit présentement. Par exemple, chaque année, on organise notre propre activité de nettoyage de plages en plus de participer à celle organisée par la Ville de Gaspé. Nous sommes extrêmement reconnaissants envers notre territoire d’accueil, donc c’est tout à fait normal pour nous de pouvoir redonner à la communauté », se réjouit celui qui est président de l’Association depuis les tout débuts.
« D’avoir ce genre d’activités, ça nous permet d’avoir un certain ancrage vers la maison, dans cet univers qui est tout nouveau, raconte Vernard Sante qui vient tout juste d’arriver au Québec avec la nouvelle cohorte de 200 employés philippins, quelques semaines avant notre rencontre. Parmi ses plus grands chocs lorsqu’il est arrivé au Québec, la température du mois d’avril. « C’est vraiment froid! Habituellement à cette période de l’année, là d’où je viens, il fait 30 degrés », laisse-t-il tomber en ricanant.
Les Philippins se font un devoir de redonner à leur communauté d’adoption. En plus du grand nettoyage orchestré par la Ville de Gaspé, ils ont organisé leur propre corvée à la plage Haldimand. Photo : Tirée de la page Facebook de Sherwin Dela Cuesta
En plus des différents événements, le groupe rassemble des vêtements chauds pour que chaque nouvel employé vive son premier hiver le plus confortablement possible. « On a tellement reçu à notre arrivée qu’on veut pouvoir redonner au suivant », souligne Sherwin Dela Cuesta.
Bien que leurs activités publiques s’adressent d’abord aux Philippins, l’ensemble de la communauté gaspésienne est évidemment bienvenue. « On est très ouverts à ce que d’autres personnes joignent notre groupe, et ce, bien que nous ne soyons pas tout à fait à l’aise en français pour le moment. »
Le président de l’Association des Philippins a beaucoup d’ambition pour l’avenir de son groupe. « On aimerait ça collaborer avec des organisations comme le Festival Musique du Bout du Monde pour présenter des artistes de chez nous, ce qui nous permettrait de présenter notre culture à tout le monde et d’avoir un peu de la maison dans notre nouvelle terre d’adoption », raconte-t-il. Il prévoit rester président du groupe en autant que les gens veulent de lui.
Une nouvelle étape pour s’établir complètement en Gaspésie?
Après plusieurs années dans la région, Sherwin pense sérieusement s’installer dans la région de façon permanente, lui qui vit loin de sa femme et de ses deux garçons, âgés de 15 et 19 ans.
« Si la réalité du logement le permet, c’est sûr que ça me rendrait très heureux, mais je ne vais pas les forcer non plus, parce que le choc culturel est important, à commencer par la neige, qui m’a fasciné lors de mon premier hiver, mais m’a beaucoup secoué lors des deux suivants », raconte-t-il en riant, sans rien écarter pour le moment.
« C’est déjà un sacrifice immense que je fais pour eux en étant loin présentement et en manquant plusieurs moments importants, mais je le fais pour leur offrir une vie meilleure », souligne-t-il. Après plusieurs mois où les voyages internationaux ont été entravés en raison de la pandémie, il a finalement pu les revoir, en décembre 2022. Il prévoit retourner les voir au moins une fois par année.