Normand Gosselin, Le Journal des citoyens, Prévost, juin 2023
Comme Obélix, elle est tombée dedans lorsqu’elle était petite… Johanne Ross a toujours su que la musique et le chant étaient sa voie, sa vocation. Or vocation il y a en parlant de chant choral et de musique, car bien que nombreux soient les appelés, peu sont élus; les autres doivent soit abandonner ou faire preuve d’une résilience à toute épreuve, dans un monde qui ne les paie pas comme ils et elles le méritent. C’est cette dernière option, la résilience, que Johanne Ross a choisie et vécue.
Le concert clôturant la 30e saison d’activité de la chorale Musikus Vivace !, et justement célébrant son 30e anniversaire, fut l’occasion d’un hommage bien senti rendu à Johanne Ross par tout le groupe pour ses années de dévouement. La consécration suprême lui est venue avec sa nomination au sein de l’Ordre du mérite choral de l’Alliance Chorale du Québec, honneur qui lui fut attribué à la fin du concert, le 3 juin dernier. Elle devient la 55e membre de ce club ultra-sélect qui compte des noms aussi prestigieux que le Père Fernand Lindsay, fondateur du Festival International de musique de Lanaudière, et le non moins célèbre Gregory Charles.
Johanne Ross a été la cheffe de chœur de Musikus Vivace ! de septembre 1992 à juin 2022. La Gaspésienne d’origine est devenue Prévostoise avec un groupe de trois amies artistes arrivées sans emploi fixe, toutes amantes de la nature. Ce qu’elle a appris quelques semaines plus tard, c’est que le visionnaire Yvan Gladu, président du CA du Centre culturel et communautaire de Prévost, devenu Diffusions Amal’gamme, fondait une chorale et cherchait un chef de chœur; Johanne a postulé et obtenu le poste. La suite est de l’histoire.
La musique serait toute sa vie
Un jour alors âgée de 4 ans, elle accompagnait son père choriste au jubé de l’église de Sainte-Anne-des-Monts. L’organiste avait demandé à Johanne de s’impliquer : « Tu tiens ces deux boutons, et lorsque je te le dis, tu tires les deux boutons aussi fort que tu peux. » Épiphanie de la musique ! Littéralement soulevée par l’effet de sa contribution, elle a dès lors compris et choisi que la musique serait toute sa vie, voulant être aussi « sorcière » que l’organiste qui lui avait fait confiance. Et elle est passée à l’action.
Puis à peine âgée de 14 ans, elle était déjà la claviériste, pianiste, organiste d’un band heavy-métal dont elle a fait partie jusqu’à son départ pour « la grande ville », où elle allait devenir pensionnaire afin de pousser ses études de la musique. Elle détient d’ailleurs une maitrise en piano et une autre en direction chorale. Tou-jours à l’adolescence, en plus de son band, elle accompagnait des artis-tes se produisant dans la région, en plus de jouer à l’église.
Agenda hyper chargé dirons-nous : ce n’était que le début d’une cinquantaine d’années d’engagements continus à la direction de plusieurs chœurs, à la direction de l’orchestre symphonique communautaire des Pays-d’en-Haut, en enseignement, tant auprès de l’Alliance lors de sessions pour chef·fes de chœur qu’auprès de groupes chorales.
Elle a tôt réalisé qu’elle n’aurait pas assez d’une vie pour tout accomplir ce que son intuition lui révélait. Assoiffée d’apprendre, elle voyait bien qu’elle aurait certains choix de vie à faire pour parvenir à concrétiser ces rêves, ceux-là mêmes d’ailleurs que ses parents ont encouragés et soutenus. Fonder une famille devenait peut-être une charge un peu lourde, elle a donc choisi de s’abstenir.
Cesser de diriger Musikus Vivace ! est loin d’être une retraite pour Johanne Ross. Bien consciente que toute expérience vécue est un apprentissage, elle prévoit aller de l’avant encore dans sa « mission » musicale, reconnaissant son rôle de promotrice de la musique et du chant choral, ce qu’elle entend accomplir en ajoutant des œuvres à son palmarès de publication écrite.
Parlant d’apprentissage et d’action à soutenir, la volubile Johanne réalise à quel point ses expériences lui ont permis de comprendre qu’être créative est loin d’être n’importe quoi, qu’il est faux de lier créativité et anarchie. Pour elle, le rôle premier de l’artiste est d’être capable de puiser dans l’univers, puis de le rendre digestible pour la majorité. Bref, que nous sommes comme partenaires d’une danse perpétuelle et gagnons tellement à faire partie d’un tout plutôt que vivre comme si nous étions la seule personne qui compte, même si notre seul pouvoir en tant qu’humains est sur soi-même. Tout ceci pour évoluer, savoir s’accepter soi-même et accepter les autres tels quels. Elle est d’ailleurs très touchée par la misère humaine et se considère chanceuse de pouvoir bénéficier des leçons de tout ce qu’elle voit et entend autour d’elle.
Oui, son CV fait plusieurs pages, et en regardant son bilan de vie jusqu’à ce jour, on constate qu’effectivement apprendre joue un rôle primordial pour elle. Discuter avec elle, c’est plus qu’apprendre qui elle est : c’est une leçon de philosophie.
On n’a pas à la torturer pour qu’elle joue du piano… c’est un peu, beaucoup, l’air qu’elle respire. Son amour pour la musique ainsi que l’échange d’énergie entre elle et son instrument sont d’une évidence sans nom.