Du Togo à Bedford ou l’exode de Romain Atsu Amia

Nathalia Guerrero-Velez, Le Saint-Armand, Armandie,
février-mars 2023

Né au Togo, Romain Atsu Amla a dû fuir son pays natal à 23 ans, sa vie y étant en danger. Cela se passait en 1999, année où le contexte politique du Togo était bouillant. Trois autres collègues et opposants au gouvernement en place l’accompagnaient dans son exode. Dirigés vers le Danemark par le Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les Réfugiés, ils s’y installeront et y commenceront une nouvelle vie. Restée au Togo, son épouse Véronique l’y rejoindra un peu plus tard.

Le jeune homme étudiera le danois pendant trois ans avant d’entreprendre un baccalauréat en travail social. Entre-temps, le couple aura deux enfants, Ludwig et David. Son épouse, pour sa part, travaillera comme préposée aux bénéficiaires. « Au Danemark, me confie-t-il, le salaire d’un préposé aux bénéficiaires est presque le même que celui d’un travailleur social. Là-bas, les personnes qui travaillent auprès des aînés sont choyées. »

Malgré la vie confortable qu’il mène en terre danoise, Romain Atsu Amla souhaite se rapprocher de son frère et de sa mère, qui se sont installés aux États-Unis au début des années 2000. D’où la décision du couple, en 2010, d’immigrer au Québec, où résident par ailleurs quelques cousins et connaissances. Puis, en 2011, la petite famille s’installera à Granby, ville où les deux parents espèrent trouver un emploi comme travailleurs qualifiés.

Cependant, ils comprendront rapidement que, malgré leurs diplômes et leurs riches expériences de travail, il leur faudra se battre pour refaire leur vie. Engagée comme préposée aux bénéficiaires, Véronique Amla découvre avec stupéfaction qu’elle gagne le salaire minimum, soit presque trois fois moins que ce qu’elle recevait au Danemark. Pas facile d’accepter ce changement brutal !

Il faudra un certain temps à son mari pour avoir la possibilité d’exercer son métier, le diplôme qu’il a obtenu au Danemark ne satisfaisant pas aux exigences de l’OTSTCFQ (Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec), qui exige qu’il suive certains cours d’appoint. « Je travaillais alors de nuit dans une grande surface tandis que j’étudiais de jour à l’université de Sherbrooke, confie-t-il. J’ai beaucoup maigri et Véronique n’arrêtait pas de pleurer. Cette période a été très difficile pour nous. »

Quelques mois plus tard, il rencontre le directeur de l’organisme Le Passant, une maison pour hommes en difficulté de Granby. « Il ne comprenait pas pourquoi quelqu’un avec mon expérience et mon bagage travaillait de nuit chez Home Depot, évoque-t-il. Il m’a tout de suite offert un poste en tant qu’intervenant et c’est ainsi que, avec une grande détermination, j’ai pu compléter ma maîtrise* en 2017 et me joindre à l’OTSTCFQ. » Depuis, il a fondé sa propre entreprise de coaching et d’accompagnement professionnel**.

Aujourd’hui papa de quatre enfants – née d’une précédente union, l’aînée est restée au Danemark tandis que Christian, le petit dernier, a vu le jour en 2013 – cet homme à l’énergie apparemment inépuisable mettra sur pied une chorale multiculturelle, sera président de la communauté togolaise de l’Estrie et fera partie des membres fondateurs d’un organisme qui soutient des personnes provenant des quatre coins de l’Afrique.

Puis, en mars 2021, il obtiendra le poste de coordonnateur des bénévoles du Centre d’action bénévole de Bedford. « Je suis fasciné par les personnes âgées, confie-t-il, et je me suis dit que j’étais prêt pour travailler en coordination. » Depuis, il n’a de cesse d’organiser des évènements rassembleurs aux saveurs et rythmes africains qui apportent couleur et joie à la population de Bedford et des environs.  « Les gens d’ici n’ont pas les moyens de voyager en Afrique, alors on fait venir l’Afrique et on crée ainsi un échange entre nos deux mondes », souligne celui qui a aussi récemment mis sur pied un club de marche et s’est donné comme mission de briser l’isolement des aînés. « En 2023, je compte recruter des travailleurs sociaux compétents pour répondre aux besoins des personnes en détresse psychologique. Je souhaite aussi continuer mon implication communautaire », conclut Romain Atsu Amla, qui a aussi à son actif quelques contrats réalisés pour Shepell-fgi, une entreprise internationale qui se spécialise dans la fourniture de solutions de santé et de mieux-être auprès des employeurs et de leurs employés.

*Le mémoire est disponible en ligne à l’adresse suivante : https://savoirs.usherbrooke.ca/bitstream/handle/11143/10539/Amla_Atsu_Kosiga_MServSoc%20_2017.pdf?sequence=4&isAllowed=y

**www.cliniqueasrome.ca