Steven Roy Cullen, La Gazette de la Mauricie, Trois-Rivières, février 2023
J’avoue que le titre de mon éditorial est provocateur, mais avec l’actualité des derniers mois au sujet de la qualité de l’air dans les villes du Québec, la question se pose. Doit-on interdire les poêles à bois en milieu urbain? Peut-être devrions-nous simplement renforcer la réglementation? Dans tous les cas, les poêles à bois doivent faire partie de la conversation sur la qualité de l’air.
Avant de me lancer des tomates, sachez que j’ai moi-même un poêle à bois alors que j’habite dans le périmètre urbain de Trois-Rivières. Honnêtement, il n’y a rien de mieux qu’un bon feu de foyer pour se réchauffer lors des soirées froides d’hiver. Mais, il faut se rendre à l’évidence, chauffer au bois génère des émissions polluantes.
Depuis quelque temps à Trois-Rivières, on pointe du doigt à juste raison les usines de Kruger et le Port de Trois-Rivières pour leur part de responsabilité dans la détérioration de la qualité de l’air. Il est toutefois difficile de savoir précisément leur contribution à la pollution atmosphérique considérant le peu de données disponibles.
Devant ce manque d’information, des citoyennes et citoyens inquiets pour leur santé ont entrepris de mesurer les particules fines dans l’air. Le hic est qu’il demeure impossible de connaître la provenance des polluants mesurés.
Loin de moi l’idée de défendre le manque de transparence des gros joueurs industriels ou même des autorités qui compilent certaines données. Je salue aussi l’initiative des citoyens et citoyennes qui nous permet d’avoir plus de données et d’évaluer en temps réel l’état de la situation. Par contre, si nous voulons vraiment améliorer la qualité de l’air, il faut considérer toutes les sources d’émissions polluantes. Parmi celles-ci figurent les poêles à bois.
En effet, la combustion du bois génère des particules fines. Ces dernières sont des matières en suspension dans l’air qui, par leur petite taille (moins de 2,5 microns de diamètre), peuvent pénétrer profondément dans nos poumons et causer des lésions physiques et biochimiques aux tissus. Elles peuvent ainsi nuire aux fonctions respiratoires, cardiaques et sanguines. Les personnes asthmatiques ou ayant des problèmes respiratoires chroniques ainsi que les personnes aînées sont particulièrement vulnérables. Dans leur cas, une exposition prolongée aux particules fines augmente le risque de mortalité cardiorespiratoire.
En ville, la concentration de particules fines dans l’air est plus importante notamment en raison du nombre de poêles à bois au km2. En fait, ce serait une des principales causes du smog hivernal.
Conscient de la problématique, les autorités ont renforcé la réglementation. Au Québec, il est maintenant interdit de vendre des appareils de chauffage au bois qui ne rencontrent pas les normes établies par l’Association canadienne de normalisation (CSA) ou la Environmental Protection Agency (EPA). C’est-à-dire qu’ils doivent émettre au plus 4,5 g/heure ou 2,5 g/heure de particules fines pour être conformes.
Certaines villes vont encore plus loin. À Montréal, l’utilisation des vieux poêles à bois qui ne rencontrent pas la norme d’émissions de 2,5 g/heure de particules fines est dorénavant interdite. En période de smog, aucun appareil de chauffage au bois ne peut être utilisé. La Ville de Québec prévoit aller dans le même sens d’ici 2026 et interdit déjà l’emploi de poêles à bois lorsqu’un avertissement de smog est en vigueur.
En 2013, la Ville de Trois-Rivières a incité ses citoyens et citoyennes à se départir de leurs vieux appareils de chauffage au bois non conformes. Mais, l’utilisation des poêles à bois peu importe leur année de certification demeure permise qu’il y ait smog ou non.
Si on observe l’historique des données compilées par les capteurs installés sur le territoire trifluvien, on semble constater les effets des émissions industrielles et portuaires à proximité des usines de Kruger et du port. Par contre, plus on s’éloigne, plus on constate une variation horaire de la quantité de particules fines qui semble coïncider avec les périodes de pointe du chauffage résidentiel.
Impossible de le savoir avec certitude sans une analyse plus approfondie. Mais, à voir comment les autres villes se mettent en action pour encadrer l’utilisation des poêles à bois, peut-être devrions-nous envisager d’emboîter le pas du côté de Trois-Rivières?