Vincent Di Candido, Échos Montréal, Montréal, Janvier 2023
Dernièrement, une enquête par l’émission journalistique française d’enquête Cash Investigation, démontrait de sérieuses lacunes dans le processus d’émission de dons caritatifs par des multinationales.
Ainsi, on expliquait que des compagnies mécènes comme L’Occitane de Provence et Louis Vuitton, font des donations à Unicef France en retour de l’affichage du logo Unicef sur leurs produits. Bien que nous encouragions toute contribution de charité, qui sont évidemment bienvenues et importante sen soi pour tous les divers organismes offrant aide aux personnes souffrantes et/ou malades et/ou démunies et/ou plus vulnérables, nous ne sommes pas naïfs au pont de croire que ces compagnies agissent ainsi par bonté d’âme et altruisme désintéressé. Derrière ces bonnes intentions et cette vertu soigneusement signalée pour être la plus médiatique possible, se cache bien sûr un calcul d’image de marque et de crédibilité commerciale des plus lucratifs.
Cela dit, là où le bât blesse, c’est quand dans la même foulée, ces compagnies avec soi-disant le cœur sur la main achètent par exemple des produits de beauté dans des pays où la main d’œuvre est souvent composée d’enfants, comme par exemple en Malaisie, où des enfants font des travaux d’arrosage à grands renforts de pesticides sur les arbres qui produisent l’huile de palme. Cette main-d’œuvre en bas âge et bon marché se voit ainsi refuser le droit inaliénable d’être un enfant, devant travailler tous les jours comme des esclaves, à des salaires de famine tout en étant exposée à des produits hautement toxiques et aux risques élevés d’attraper des maladies comme le cancer. Cela n’empêche pourtant pas Unicef d’autoriser l’utilisation de son logo sur les savons vendus par cette compagnie.
Même détournement involontaire du regard en ce qui concerne la multinationale Louis Vuitton. À grands coups de campagnes publicitaires, on se sert de l’image de marque de vedettes comme Nicole Kidman par exemple pour vendre, à un tarif de 500 $ la pièce, des petits bracelets de joaillerie comportant un petit cadenas symbolique, et qui sont officiellement voués à aider les enfants en difficulté. Sauf que la compagnie ne semble pas avoir réalisé qu’elle ne verse que 100 $ sur le montant de la vente, et une fois payés les coûts de production estimés à 50 $, le reste est du pur bénéfice. Un exemple parfait de vertu capitaliste et de charité bien lucrative. Encore là, on retrouve fièrement le label Unicef, malgré que la loi sur la donation interdise tout bénéfice. Ce n’est pas un mal en soi, mais de tels exemples de dérive laissent quand même un petit goût amer en bouche.
On comprend les associations caritatives, comme par exemple l’Association d’aide aux personnes sidatiques de ne pas vouloir refuser l’argent charitable dont elles sont dépendantes et qui est primordial pour aider les personnes dans le besoin. Mais il y a quelque chose d’assez indécent à assister à ces démonstrations de probité morale un peu boueuse et d’altruisme teinté d’hypocrisie sous-jacente. D’autant plus lorsque l’on constate en parallèle l’apathie volontaire d’un organisme comme Unicef France, qui devrait pourtant servir de chien de garde en première ligne. La Présidente d’Unicef France justifie faiblement ce manque de vérification quant à l’utilisation de leur logo en prenant l’angle des bons sentiments, et de l’importance du mécénat caritatif pour aider les enfants dans le monde.
Ce qui irrite d’autant dans le cas d’Unicef France (et d’Unicef en général), est que ce n’est pas la première fois qu’une enquête y dénote des exemples de morale ponctuellement élastique ou parsemée de zones d’ombres. Par exemple une enquête révélait récemment que de 2012 à 2019, dans le cadre de la collecte de dons pour des campagnes caritatives, une vice-présidente avait octroyé à son propre mari pour un million de dollars en contrats pour la mise en place de stands (étals) destinés à la collecte, ce qui est quand même à tout le moins un évident conflit d’intérêts. Pour sa défense plutôt mièvre, la cheffe de direction arguait que c’est l’époque en question qui incitait à ces dérogations douteuses et que ce n’est plus pareil depuis.
On peut également revenir à l’exemple de l’association d’aide pour les personnes atteintes du Sida. Notons d’abord que la participation caritative de la compagnie Louis Vuitton, via des campagnes d’envergure à cette fin et auxquelles de grands noms du show-business planétaire ont participé, a été substantielle et louable. Mais encore là, on n’est pas à l’abri de préoccupants dérapages. On apprenait ainsi que dans le cadre d’une de ces campagnes, sur une cueillette de plus de 700000€, seulement 69 000€ avaient au final été réellement alloués pour venir en aide aux sidéens, ce qui est proprement scandaleux. Encore là, on se justifie en parlant d’erreurs de bonne foi, essentiellement l’incompétence involontaire d’une mauvaise administration.
Bien sûr, lorsque ces « incidents » éthique arrivent et que l’UNICEF (France) y est associé par ricochet collatéral, l’organisme est toujours prompt à se défendre, à indiquer son indignation lorsque nécessaire et à signaler sa détermination à enquêter de manière plus approfondie pour s’assurer que le processus caritatif deme ure propre et intègre. On ne peut cependant s’empêcher de prendre ces affirmations avec un brin de cynisme lorsque l’on note en parallèle que le Comité de contrôle et de vérification des dons caritatifs est lui-même financé à près de 80% par ces mêmes donateurs.
Évidemment, les exemples susmentionnés se sont passés à l’étranger, mais le processus caritatif peut être tout aussi vulnérable en Amérique du Nord. Espérons simplement que, plus proche de notre coin de pays, les diverses organisations caritatives continuent d’administrer leurs ressources avec probité et intégrité, et que les dons reçus charitablement continuent d’être consacrés aux personnes qui en ont véritablement besoin.