Carte de l’Isle de Montréal et de ses environs, par Jacques Nicolas Bellin et Guillaume Dheulland, Paris, 1744. (Collection BaNQ numérique)

La nation Kanien’kehá:ka, des Mohawks à Ahuntsic

Samuel Dupont-Foisy, journaldesvoisins.com, Ahuntsic-cartierville, Janvier 2023

 

J’ai écrit, en 2020, un article à propos des Kanien’kehá:ka (Mohawks) qui vivent aux abords du Fort Lorette, dans le village du Sault-au-Récollet [NDLR : faisant maintenant partie d’Ahuntsic-Cartierville], au début du XVIIIe siècle. En effet, on retrouve 220 Autochtones près du fort de la Montagne (située au pied du Mont-Royal) en 1694. [Lien vers l’article en question : page 29 du Mag d’avril 2020]

Les Sulpiciens y ont une mission d’évangélisation, qu’ils décident de déplacer près du Fort Lorette entre 1696 et 1704. Ensuite, en vertu d’une concession royale ratifiée le 27 avril 1718, le territoire du Lac des Deux-Montagnes est offert à ces Autochtones, qui décident de déménager, en février 1721, afin de bénéficier d’un territoire leur étant propre. La mission du lac des Deux-Montagnes est créée, et sera nommée Oka par les Sulpiciens vers 1868.

Ces faits historiques, très intéressants dans le contexte de l’histoire d’Ahuntsic-Cartierville, font partie de la riche histoire de ce peuple autochtone, malheureusement trop peu connue. Qui sont les Kanien’kehá:ka (le « peuple des silex »)? Où se trouve leur territoire ancestral? Heureusement, L’Encyclopédie canadienne contient énormément de renseignements à ce sujet (v. sources à la fin de ce texte).

Les Mohawks font partie de la Confédération Haudenosaunee, également nommée « Confédération iroquoise » et « Confédération des Six Nations ». Ils vivent, au début du XVIIe siècle, aux abords de la rivière Mohawk (maintenant au nord de l’État de New York). Avant 1700, bon nombre d’entre eux déménagent près du fleuve Saint-Laurent. Après la Révolution américaine, les Kanien’kehá:ka qui demeurent encore aux États-Unis décident d’aller dans un pays allié, le Canada. 

À la fin du XIXe siècle, de plus en plus de Kanien’kehá:ka, qui vivent surtout en Ontario et près du fleuve Saint-Laurent, deviennent d’habiles cultivateurs. Par ailleurs, un événement marque l’histoire des Mohawks en 1886 : la construction du pont ferroviaire du Saint-Laurent, traversant une partie de la réserve de Kahnawake, par la Dominion Bridge Company. Cette dernière découvre les aptitudes des Mohawks de Kahnawake pour le travail de l’acier, qui finit par devenir le métier de nombreux Kanien’kehá:ka, surtout ceux habitant dans cette réserve.

Un territoire étendu

Le territoire ancestral des Kanien’kehá:ka est délimité, environ, par Ottawa au nord-ouest, Montréal au nord-est, Oneonta au sud-ouest (une petite ville au sud-est de Syracuse, New York) et Albany (New York) au sud-est, ce qui comprend bien sûr Montréal, nommée Tiohtià:ke en kanyen’kéha (langue mohawk), abréviation de Teionihtiohtiá:kon, « là où le groupe se scinde ou emprunte des chemins différents ». 

D’ailleurs, l’Université Concordia présente un excellent exemple de reconnaissance territoriale : « […] Nous reconnaissons la nation Kanien’kehá:ka comme gardienne des terres et des eaux sur lesquelles nous nous réunissons aujourd’hui. Tiohtià:ke/Montréal est historiquement connu comme un lieu de rassemblement pour de nombreuses Premières Nations, et aujourd’hui, une population autochtone diversifiée, ainsi que d’autres peuples, y résident […]. »

Précisions que cette question de Montréal comme territoire Mohawk non cédé divise les historiens et n’a pas été tranchée à ce jour.

D’autre part, le déménagement des Kanien’kehá:ka, présenté plus haut, vers la mission du lac des Deux-Montagnes, devenue Oka, est représentatif du sort de l’ensemble des communautés autochtones du Canada. En effet, les Premières Nations négocient de bonne foi, malgré leur situation de faiblesse, et sont largement exploitées. Les traités, déjà défavorables, ne sont pas respectés par les Canadiens, et les Autochtones sont déplacés vers des réserves de plus en plus petites et isolées. Dans ce cas précis, les Sulpiciens, malgré la concession royale, engagent une lutte territoriale avec les Kanien’kehá:ka pendant plusieurs siècles. 

Ultimement, ces conflits mèneront à la crise d’Oka en 1990, ce qui démontre bien les conséquences du manque de respect envers les Autochtones. Espérons qu’à l’avenir, de telles situations seront évitées, surtout si les Canadiens ont l’occasion d’approfondir leurs connaissances des traditions et de l’histoire des Premières Nations.