Vincent Di Candido, Échos, Montréal, Décembre 2022
Du 7 au 19 décembre 2022, Montréal s’est faite ville-hôtesse de la COP15, cette conférence aux répercussions de l’ONU sur la Biodiversité et la nécessité de mieux protéger les espèces végétales et animales de la planète.
Près d’un million d’espèces végétales et animales menacées d’extinction sur les quelque 8 millions qui peuplent la Terre, ou encore la nécessité absolue de protéger plus et mieux au moins des 30 % des surfaces marines et terrestres du monde. Et ce, pour la survie même de notre écosystème planétaire, fragilisé tant par la pollution galopante que l’on a laissé s’installer au fil des décennies de l’industrialisation, que par des années de mièvrerie environnementale et de manque de volonté à poser des gestes concrets.
Pour paraphraser la synthèse certes brutale, mais néanmoins réaliste et juste du Directeur de l’ONU Antonio Guterres, «on traite notre planète comme une poubelle», une déclaration qui vise plus particulièrement les pays riches, qui se drapent souvent dans la signalisation de velléités écologiques, mais qui dans les faits n’en font que très peu, et se contentent du strict minimum politiquement acceptable.
Bref, il y a beaucoup de travail et ce ne sont-là que deux des 22 objectifs à l’ordre du jour de la conférence, ce sont ces chiffres qui devraient dominer l’actualité de la COP15. Malheureusement, en raison des agissements vandales lors de mouvements passés de bon nombre d’activistes qui se déclarent pro-environnementaux, mais qui n’en ont souvent que la prétention médiatique, ce qui a occupé le devant des projecteurs, c’est plutôt les risques de grabuge et la présence en conséquence d’un nombre record de policiers aux alentours du Palais des Congrès qui accueille cette 15e édition.
Ainsi, en marge de cette importante rencontre d’une douzaine de jours réunissant près de 5 000 délégués provenant de 193 pays, on anticipait des vagues nombreuses de manifestants étudiants. Ceux-ci ont voté massivement pour se donner une journée d’absence spécifiquement dans le but d’être libres pour cet événement. Sur les 23 000 étudiants au sein desquels on redoutait la présence en grand nombre de professionnels du vandalisme, au final on s’est plutôt retrouvés avec un pétard mouillé, soit à peine une poignée de manifestants, peut-être 200 en étant généreux, comparativement à 5 ou 6 fois plus de policiers.
Cela dit et sans vouloir tourner le fer dans la plaie, outre le ridicule de la situation, et le gaspillage budgétaire que cette surabondance policière superflue aura coûté aux finances de la ville, on a surtout l’impression d’assister encore une fois au très net clivage entre la majorité de la population et les quelques adeptes les plus bruyants de la mentalité activiste plus extrémiste et revendicatrice, qui occupent trop souvent la sphère médiatique, aidés en cela par moult médias trop complaisants et par des corporations complètement assouvies à l’imagerie de la cause ultra-woke et surtout préoccupées à faire de la signalisation de vertu tous azimuts.
Ce qui choque possiblement le plus dans tout cela, c’est l’hypocrisie qui peut se rattacher à ces phénomènes de revendications sociétaires de pacotille. Non pas que la cause environnementale ne soit pas importante, bien au contraire. Mais justement tous ceux qui sont occupés à faire de la signalisation vertueuse mais qui ne sont jamais prompts à reconnaître leurs propres torts et dont souvent le discours finit par sonner creux tant les babines ne suivent pas les bottines, nuisent à la cause plutôt que ne l’aident. Car ils aseptisent et en diluent l’impact, de par leur action purement égocentrée.
Au-delà des éventuels fauteurs de trouble, qui plus souvent qu’autrement semblent surtout motivés par des visées nihilistes, i.e. le chaos pour le chaos, ou encore pour le loisir de pouvoir casser quelques vitrines de commerces ou fenêtres de voitures et s’enfuir ensuite en volant tout ce qu’ils y trouveront d’intéressant; dans le cas présent, on le constate bien, la majorité étudiante en a surtout profité pour se donner une journée de congé en utilisant le prétexte de la COP15.
Et ultimement, n’en déplaise à plusieurs, c’est un constat qui rejoint en fait la pensée éditoriale de la majorité démographique.
Oui, on est inquiets pour l’environnement et oui on aimerait que ça change. Notamment que les plus gros pollueurs soient vraiment mis à l’amende, que les braconniers d’espèces en danger soient arrêtés et fassent de la prison, que ceux qui pillent sans vergogne nos richesses, ou qui participent à la déforestation sauvage en paient les conséquences. Mais on continue en parallèle à gaspiller l’eau, l’énergie. À conduire des grosses cylindrées, à porter des vêtements de marque, à s’acheter les derniers modèles de iPhone ou de tablette, alors que ceux qu’on a font pourtant amplement l’affaire.
Idem pour ce qui est de jeter nos foutus mégots de cigarette par terre, comme si l’espace urbain était notre poubelle personnelle, un phénomène qui continue de me sidérer après toutes ces années. Les mégots de cigarette sont une source importante de pollution, ne sont pas biodégradables. Il est ironique de voir le nombre de fumeurs qui jettent ponctuellement leur mégot par terre, alors qu’il ne leur viendrait pas à l’esprit de jeter dans la rue un mouchoir en papier, pourtant au demeurant biodégradable et bien moins nocif sur l’environnement.
Bien sûr on se dit tout le temps qu’on fait notre part, parce qu’on a l’incroyable altruisme de faire un tweet pro-environnemental, ou alors parce qu’on est si vertueux que l’on composte. Quant à nos propres tares écologiques, après tout, on n’a qu’à se dire qu’on n’est pas les seuls, les autres font pareils, parfois même pire. Sauf qu’à dénoncer ainsi l’aphasie écologique d’une main, tout en y contribuant de l’autre main, on fait partie du problème, et non de la solution. Le capitalisme effréné, comme celui du Temps des Fêtes par exemple, est un phénomène propre aux pays industrialisés et sans contredit la cause la plus directe de notre empreinte polluante néfaste sur la planète.
Sommes-nous prêts à laisser de côté nos joujoux technologiques, à être moins dépendants des produits de consommation, à se restreindre de vouloir toujours posséder la nouvelle bébelle, fraîchement sortie? Dénoncer le capitalisme, c’est bien mais l’exemple doit commencer par nous-mêmes. Dans le cas contraire, ce n’est que du vent.