Une économie malmenée par l’après-pandémie

Michel T., Échos Montréal, Octobre 2022

 

La pandémie a changé le comportement et les habitudes de travail des compagnies, leurs méthodes ont dû s’adapter à la pénurie de main-d’œuvre et il a fallu composer non seulement avec un quotidien bouleversé mais aussi avec une redéfinition des inclinaisons professionnelles des travailleurs, avec le télétravail qui s’est imposé comme une composante des milieux de travail modernes. Cela a laissé quantité d’espaces et de locaux vides, avec moult sièges sociaux d’importance qui ont commencé à partager leurs espaces en sous-locations.

Ils réalisent ainsi de salutaires économies mais à long terme c’est peut être loin d’être rassurant. À travers tous ces changements on a constaté une certaine désaffection des nouvelles générations envers la définition conventionnelle du travail. Celles-ci désirent faire moins d’heures, quitte à avoir moins d’argent mais ceci afin de disposer ultimement de plus de temps libre avec la famille ou les amis. Le hic c’est que la réduction, à la fois de la main-d’œuvre disponible et des heures effectives travaillées par celle-ci, combinée en outre au télétravail, a eu comme effet d’engendrer une hécatombe de locaux vides au centre-ville de Montréal.

Ainsi, les statistiques les plus récentes de la firme Avison Young faisaient état d’une augmentation préoccupante des locaux vides, qui de quelque 10 % avant la pandémie sont passés à un taux d’inoccupation de 18 % depuis la « fin » de celle-ci

Ainsi, les statistiques les plus récentes de la firme Avison Young faisaient état d’une augmentation préoccupante des locaux vides, qui de quelque 10 % avant la pandémie sont passés à un taux d’inoccupation de 18 % depuis la « fin » de celle-ci et le théorique retour des travailleurs à leurs emplois. Ce désintéressement pour la location commerciale au centre de la métropole a évidemment comme effet-ricochet d’affecter non seulement les propriétaires desdits lieux immobiliers commerciaux, mais également en collatéral tous les commerçants dont les revenus reposaient justement sur le bassin dynamique qui avait toujours investi le centre-ville de Montréal avant la réalité covidienne. On peut également à court terme prévoir une diminution dans la construction de locaux à vocation commerciale.

Inévitablement, ces changements de paradigmes dans le Monde du Travail font avoir un effet d’entonnoir sur les grands joueurs de notre économie. C’est ainsi que S.N.C. Lavalin éliminera pas moins de huit étages à son siège social du Boulevard René-Lévesque. Ils seront imités en cela par la Banque Laurentienne et le groupe ferroviaire Canadien National, qui feront des régimes minceur respectifs de cinq et six étages pour leurs sièges sociaux au centre-ville montréalais. L’entreprise Bell quant à elle est présentement en quête de locataires pour combler deux étages de sa succursale à l’Île-des-Sœurs. Même Hydro-Québec prévoit sabrer sa superficie locative de quelque 20%. La baisse est encore plus drastique chez Investissement Québec, qui concentrera désormais ses activités dans un seul édifice au lieu des trois bâtiments qu’ils occupaient précédemment.

Bref, on le constate chaque semaine, le marché du travail post-pandémique est en mutation et il vient avec son lot de bouleversements et d’instabilité ponctuelle. Certes les nombreux effets socioéconomiques de la pandémie ont été un des facteurs de changement, mais pas seulement. Le vieillissement de la population, combiné à une diminution des naissances, a aussi grandement au fil des années contribué à une pénurie croissante de la main-d’œuvre dans beaucoup de secteurs d’activités autrefois florissants (hôtels, restauration, transport marchandises, usines industrielles, etc.) et c’est un phénomène que le hiatus pandémique a semblé développer à l’exponentiel.

Avec en plus en arrière-fond de l’inflation galopante et des craintes de récession économique pour plusieurs pays, tout cela demande invariablement une modification – présente et future – de nos modes de vie. Dans un monde où les moindres soubresauts politiques peuvent causer une instabilité planétaire dans nos économies interreliées, il va probablement falloir s’habituer à subir des ralentissements de services plus fréquents, ou à des pénuries ponctuelles de marchandises ou de denrées.