Des organismes communautaires en quête d’une clé

Amine Esseghir, journaldesvoisins.com, Ahuntsic-Cartierville, Juin 2022

 

Pour les organismes communautaires d’Ahuntsic, la seule solution viable serait de déménager dans des locaux qui seront dédiés au travail communautaire. En attendant, ils doivent gagner du temps.

Ils sont allés sur la place publique récemment pour dire qu’ils risquaient de se retrouver à la rue. Le locateur des organismes communautaires d’Ahuntsic, le Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM) demande des arrérages de loyers d’un demi-million de dollars. Ils devaient signer le bail le 15 mai, mais le délai a été reporté au 17 juin.

« Nous avons reçu un courriel indiquant qu’il y aurait une rencontre avec des responsables du CSSDM et que l’échéance de signature du bail était reportée », confie le directeur de Solidarité Ahuntsic, Rémy Robitaille.

Un délai pour souffler un petit peu, toutefois rien ne dit que le nouveau contrat ne soit pas porteur des mêmes contraintes. La facture de 500 000 $ ne peut être refilée aux organismes communautaires qui pour certains ont du mal à joindre les deux bouts. Si le bail n’était pas signé à ces conditions, le maintien dans les lieux pourrait ne plus être assuré d’ici juin 2023.

« À l’heure actuelle, nous n’avons aucune garantie que quelque chose va changer », admet M. Robitaille.

Cette augmentation de loyer qui atteint cette année 200 % poursuit les organismes depuis quelques années. En 2021, le propriétaire réclamait déjà 320 728 $ de loyer impayé. 

Régulièrement, Solidarité Ahuntsic fait appel aux différents paliers de gouvernement pour demander un appui financier et faire face à la note qui ne cesse d’augmenter.

Le centre communautaire Ahuntsic qui abrite une douzaine d’organismes communautaires depuis 1999 est situé dans un bâtiment excédentaire du CSSDM, l’ancienne école Madame de la Peltrie, au 10780, rue Laverdure. C’est une sorte de guichet unique, puisque les différents services assurés aux personnes en difficulté, aux immigrants ou aux réfugiés se retrouvent au même endroit.

Synergie

Au CSSDM, on reconnaît qu’il y a un contexte difficile qu’il faut gérer dans un esprit de collaboration. La discussion est ouverte même au sujet de la hausse importante de loyer.

«On veut aliéner la bâtisse, mais ce n’est pas une urgence. Nous avons convenu de négocier avec eux [Solidarité Ahuntsic]. Nous avons le temps de faire un projet avec eux. Nous ne voulons pas mettre les gens à la porte demain matin », assure la directrice du CSSSM, Isabelle Gélinas, interrogée par Journaldesvoisins.com en marge de l’inauguration de l’agrandissement de l’école Louisbourg, la semaine dernière.

Aliéner le bâtiment signifie sa venteUne situation que comprend M. Robitaille alors que le CSSDM est sous tutelle,

« Le décret de tutelle oblige le CSSDM à faire de l’argent avec ses bâtiments excédentaires, mais le ministère de l’Éducation s’en lave les mains », relève M. Robitaille.

Un changement dans le décret pourrait déjà offrir une marge au CSSDM qui doit se conformer aux exigences de l’administration, ce qui permettra de maintenir les organismes en place jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée.

Toutefois, ce qui rassure M. Robitaille, c’est la prise de conscience de tous les acteurs communautaires de la nécessité de préserver les services à la population vulnérable.

« Je crois fortement en la capacité de mobilisation des acteurs du milieu pour pouvoir retarder le temps nécessaire à la décision », pense-t-il.

 

Solution locale

Il existe une solution pérenne pour les organismes d’Ahuntsic depuis un moment. Un bâtiment désaffecté de la Ville, situé au 9515, rue Saint-Hubert, abritait la direction des approvisionnements. Il est attenant à la cour de voirie de Louvain Est, à l’endroit même où doit se développer un écoquartier.

Toutefois, un tel déménagement ne serait envisageable que si des travaux d’amélioration et de mises aux normes étaient menés.

En 2020, l’idée d’une occupation transitoire avait circulé, mais elle est aujourd’hui totalement écartée.

« On a fait des audits qui démontrent que le bâtiment n’est pas dans d’aussi bonnes conditions que ce qu’on supposait », révèle la mairesse d’Ahuntsic-Cartierville, Emilie Thuillier.

Elle rappelle ce qui s’est passé avec le bâtiment des sœurs de la Providence qui est converti actuellement en centre communautaire et culturel pour Cartierville. Après l’acquisition en 2016, il a fallu attendre cinq ans pour pouvoir lancer un grand projet de transformation et surtout de mise aux normes alors que la bâtisse semblait en excellent état.

« Cela va être un peu la même chose. Mais l’édifice est en moins bonne condition, il est plus petit », admet-elle.

Un sous-comité lié au bureau de projet partagé qui regroupe la Ville, l’arrondissement et le milieu communautaire pour le développement du futur écoquartier Louvain Est planche sur le sujet.

« Il devrait présenter plusieurs scénarios d’occupation cet automne », indique Mme Thuillier.

Cela signifie que les locaux ne seront pas prêts à accueillir les organismes communautaires, ni cette année ni l’année prochaine.

Il faut rappeler qu’en 2013, l’ancêtre du CSSDM, qui était la Commission scolaire de Montréal, avait expulsé quasi manu militari les organismes de Cartierville, hébergé alors à l’école Victor-Doré. Ils sont à ce jour dans des locaux privés, loués par l’arrondissement qui règle la totalité de la facture.

Une telle solution serait envisageable en cas d’urgence, mais le directeur de Solidarité Ahuntsic craint que cela éloigne la population des services.

Pour la mairesse, il est indispensable de permettre aux organismes de continuer de travailler dans la quiétude.