Pierre Hébert, Le Haut-Saint-François, Cookshire-Eaton, Mai 2022
Abusée sexuellement dès son enfance jusqu’à l’âge adulte par un père autoritaire, aux prises avec une maladie mentale, dépression sévère, pensées suicidaires, Diane Demers-Roy lance un message foudroyant en affirmant que « la vie vaut la peine d’être vécue. »
C’est avec émotion, appuyée d’une solidité indéfectible dans ses propos qu’on pouvait sentir la détermination de cette mère de trois enfants. C’est devant une vingtaine de personnes, incluant des proches, réunies au point de service d’East Angus que l’invitée de Virage Santé mentale a bien voulu parler de son expérience de vie dans le cadre de la Semaine nationale de la santé mentale. « Si je suis là, c’est parce que j’ai accepté de faire des pas. Il y a des services à Virage et il faut s’en servir », lance-t-elle.
Le parcours de Mme Demers-Roy est loin d’être simple. Membre d’une famille de neuf enfants, elle a subi l’inceste dès l’âge de sept ans par son père, qui a perduré jusqu’à l’âge de 21 ans. « J’étais mariée et ça durait encore. J’avais tellement peur de mon père que je n’étais pas capable. Je ne pouvais pas parler, j’aurais mangé une volée, on était battus chez nous. » La jeune fille a même été sauvée in extremis, par une voisine, d’une tentative de viol à l’âge de 8 ans par un homme de 78 ans qu’elle considérait comme un grand-père. « Je suis devenue très renfermée, je me suis mis un écran. Je me suis dit: il n’y a plus personne qui va avoir mal, moi, j’aurais pu mal. À cette période-là, on m’a fait détester mon corps de femme et je ne voulais pas être une femme. J’aurais aimé mieux être un gars, j’aurais eu la paix, mon corps c’était un objet pour tout le monde. Ça a pris du temps avant que je m’accepte en tant que femme, que je puisse m’aimer en tant que moi-même. Personne ne savait rien sur moi. Je gardais ça pour moi. Je ne pouvais pas en parler. » En fait, ce n’est que plusieurs années plus tard, lorsque Mme Demers-Roy a publié son livre, en 2019, que sa mère et les membres de sa famille ont appris la triste réalité.
À l’âge de 17 ans, Mme Demers-Roy quitte son Abitibi natale pour s’établir à Sherbrooke avec sa famille. Plus tard, elle s’installe à Saint-Gérard avec son conjoint et fonde rapidement une famille. À 23 ans, elle comptait déjà trois enfants. Elle s’est impliquée au sein de la communauté que ce soit pour les loisirs, la bibliothèque et autres. Elle a composé deux pièces de théâtre en plus d’écrire des chansons.
Très active, sa santé s’est mise à se dégrader en 1991, moment d’une première dépression. Elle s’est retrouvée trois mois à La Méridienne et était en instance suicidaire. « Tout ce que je voulais, c’était essayer de mourir. »
Elle qui haïssait son père au point de souhaiter sa mort lance : « j’ai arrêté d’avoir peur de mon père, j’avais 55 ans, quand j’ai été capable de prendre le contrôle de ma vie. » Avouant sa foi religieuse, elle ajoute être cursilliste. « J’ai eu la chance, un jour, d’avoir la guérison du pardon. » Même si elle avait pardonné à son père, Mme Demers-Roy devait vivre avec le passé. Son cheminement n’a pas été facile. En 2000, elle s’achète une imprimerie et six ans plus tard, fait un épuisement professionnel, entraînant du coup une faillite personnelle. « Mon corps, mon physique et mon moral ont lâché en même temps. Je me suis retrouvée 35 jours à l’aile psychiatrique à Sherbrooke. On m’a diagnostiqué une maladie mentale. »
À sa sortie de l’hôpital, Mme Demers-Roy a poursuivi une thérapie pendant quatre ans, dont une sur la colère. Au cours de cette période, elle s’est rebâti une confiance en elle qu’elle avait perdue en raison de sa faillite personnelle. « Je ne voulais plus demeurer à Saint-Gérard. J’ai déménagé à Thetford Mines.
Mme Demers-Roy mentionne que son père est décédé en 2010 et que cela s’est révélé un moment pénible. À la suite de ce décès, elle a gardé sa mère pendant cinq ans et est aujourd’hui aidante naturelle auprès de son mari. L’écriture de son livre, précise-t-elle, « m’a permis de faire la paix avec mon passé et de me faire grandir. »
Pauline Beaudry, directrice générale de Virage Santé mentale, souligne le courage dont elle a fait preuve pour aller chercher les services disponibles. Les témoignages sont des exemples de gens qui ont été capables de s’en sortir en allant chercher de l’aide », complète Mme Beaudry.