Anny Santerre : l’art de l’allègement

Lyne Boulet, Le Sentier, Saint-Hippolyte, Mai 2022

 

Les créations de l’Hippolytoise Anny Santerre sont des œuvres d’art abstrait sur panneaux de bois, peintes avec de l’acrylique fluide. (S’y ajoutent quelques encres sur papier.) Sa première exposition solo sera présentée dans la salle multifonctionnelle de la bibliothèque jusqu’au 11 juin.

Anny Santerre a une vie bien remplie. De nombreuses charges l’accaparent au quotidien. Par les temps qui courent, elle ne peut accorder que six heures par semaine à ses créations. Mais chaque fois qu’elle s’installe dans son atelier, elle s’autorise « un moment à moi et pour moi. Ça me relaxe beaucoup. Ça diminue mon anxiété. C’est vraiment libérateur. »

 

Contexte

Anny Santerre a suivi un cours de dessin lorsqu’elle étudiait au cégep du Vieux Montréal. « C’est le déclencheur de mon intérêt pour l’art », explique-t-elle. À la maison, dans ses moments libres, elle dessinait avec des crayons feutres. Elle faisait déjà beaucoup d’abstrait. Puis sont venus le travail et la famille. Par manque de temps, elle a dû réfréner son penchant pour l’expression artistique. « Mais je vivais un manque, dit-elle. Pour moi, dessiner ou peindre était vraiment une échappatoire. »

 

Il y a quelques années, en naviguant sur Internet, elle a regardé des vidéos sur la peinture fluide. C’est là qu’elle a découvert le coulage. Elle l’a essayé. « J’ai commencé comme ça en 2019, dans mon petit atelier. Je suis tombée en amour! Ça m’a permis de renouer avec un sentiment de délivrance. »

 

 

Approche

Anny travaille sur des panneaux de bois. Le bois est plus résistant et, à son avis, il se travaille mieux qu’une toile. Au départ, elle pose sur son panneau une couche de peinture blanche ou noire. Elle préfère le noir. Puis, elle verse l’acrylique fluide, couleur par couleur, en traçant des lignes, des diagonales, etc. Contrairement à beaucoup d’artistes, elle ne bouge pas la toile de tous les côtés pour étendre la peinture. Elle la pose à plat et elle l’étale avec les mains. « Je travaille beaucoup avec mes mains. J’ai déjà essayé d’étendre la peinture avec une spatule et un séchoir, mais je n’aime pas ça. On dirait que j’ai besoin du contact direct avec la peinture. »

Anny décide ensuite du « mouvement » qu’elle va donner à son tableau. À cette étape, elle apprécie beaucoup la spatule. Il y a peu, elle se servait plutôt de son souffle. Mais maintenant, comme elle ne fait plus que des formats de 24″x 36″ et plus, elle manie beaucoup plus souvent le séchoir, plus pratique pour rejoindre le centre de la toile. Elle se sert aussi de ses doigts. Elle travaille avec du papier ciré pour réaliser des cellules. « En fait, j’utilise pas mal tout ce que j’ai sous la main, dépendant de l’effet que je veux donner. » Enfin, elle applique une couche de résine. Elle apprécie particulièrement le fini que cela lui permet d’obtenir. Assez rapidement, elle trouve un titre à sa nouvelle œuvre, ce qui donnera au spectateur une indication de ce que la toile représente pour elle.

 

Malgré les fonds noirs, on ne retrouve pas de couleurs vies et contrastées dans ses compositions. Elle privilégie plutôt les couleurs pastel. « Le calme s’en dégage », souligne-t-elle. Ce qu’elle souhaite que le spectateur ressente ? « Je veux juste du ouah! », déclare-t-elle de façon imagée. Elle espère qu’en regardant chacune de ses toiles, le visiteur se mette en pause, qu’il éprouve la même chose qu’elle. Elle veut qu’il se sente libre, qu’il s’évade, mais aussi qu’il se sente bien, que ça le relaxe et que ça lui inspire un sentiment de quiétude.

Syndrome de l’imposteur

« Quand on peint, on a souvent le syndrome de l’imposteur. Ce que je désire, c’est que les gens osent davantage. Parce qu’au début, quand il a été question de l’exposition, je me disais non, ce n’est pas ma place, je ne suis pas rendue là. Mais j’ai décidé de me lancer. Je me suis fait confiance. » Anny veut transmettre la notion que l’art est accessible à tous. « Je pense que tout le monde est artiste quelque part, peu importe le médium. » Et elle conclut : « j’aimerais que les gens qui visitent mon exposition se sentent stimulés, qu’ils se disent qu’eux aussi peuvent aller de l’avant, que ça en vaut la peine ».