Saint-Luc-de-Vincennes en voie de devenir une communauté nourricière

Stéphanie Dufresne, La Gazette de la Mauricie, Trois-Rivières, avril 2022

 

La municipalité de Saint-Luc-de-Vincennes s’applique à accroître l’autonomie alimentaire locale en mobilisant sa population autour de projets agroalimentaires collectifs. Cette démarche s’inscrit dans une volonté de devenir une communauté nourricière.

La population de Saint-Luc-de-Vincennes n’a pas chômé pendant la pandémie. D’abord, les membres du comité des Incroyables comestibles ont planté des légumes et d’autres plantes comestibles dans toutes les plates-bandes municipales. Puis des citoyennes et des citoyens ont construit un four à pain collectif et installé un frigo-partage. L’été dernier, une vingtaine de bénévoles ont planté une forêt nourricière comprenant un verger de 75 arbres fruitiers et à noix ainsi que des arbustes de petits fruits. La municipalité a fait mettre aux normes la cuisine du centre communautaire pour la transformation alimentaire.

Cette multiplication des actions locales reliées à l’agriculture de proximité a mené tout naturellement la municipalité de Saint-Luc-de-Vincennes vers la démarche Communautés nourricières du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ). Elle est l’une des premières municipalités du Québec (et la seule en Mauricie) à avoir été admise à ce programme qui finance des projets territoriaux visant à stimuler l’autonomie alimentaire locale en milieu rural.

Francis Dubreuil, directeur général de cette municipalité de 600 âmes, explique qu’un plan d’action est en cours de réalisation. Les projets collectifs ne manquent pas : une serre municipale, un poulailler communautaire, deux ruches, un kiosque de partage de légumes en libre-service, un potager collectif et des bacs de cultures de légumes au parc municipal, entre autres. Le tout s’articulera autour de La Bourgade, un café communautaire qui sera aménagé dans l’ancien bar de danseuses. Enregistré au programme comme coopérative de solidarité, ce sera un lieu de rencontre, de partage de connaissances et de formation sur l’agriculture urbaine.

Résilience locale et retombées sociales

« Avec le coût des transports et des aliments qui augmente, il va falloir que les communautés se prennent en main pour être capables d’assurer un minimum d’autonomie alimentaire locale et ne pas être dépendantes des marchés internationaux, entre autres de la Chine », explique le directeur général dans le balado 15 minutes pour changer le monde.

« Le territoire de Saint-Luc est vraiment productif et diversifié sur le plan agricole », ajoute-t-il en entrevue avec La Gazette, soulignant que 98 % du territoire est constitué de terres agricoles. « On a assez de production pour être souverains sur le plan alimentaire, mais on n’a même pas un seul commerce de proximité pour acheter des légumes ou une pinte de lait! »

Bien que le projet vise à remédier à ce désert alimentaire, l’idée derrière la communauté nourricière n’est pas seulement de produire des aliments. Le conseil municipal a rapidement identifié qu’un projet nourricier serait porteur d’un grand potentiel humain pour la collectivité. « Le but est de créer du lien, explique Francis Dubreuil, on crée une communauté autour d’un but commun, qui donne aux gens l’occasion de se rencontrer, d’échanger et de se parler. »

La municipalité souhaite mobiliser les aînés, les familles, les ados, les camps de jour, les agriculteurs et les travailleurs agricoles étrangers autour du projet. « La communauté nourricière relève autant des producteurs de lait, des producteurs de bleuets ou des individus qui ont des petits jardins de 10 pieds par 10 pieds. Tout le monde en fait partie », précise Francis Dubreuil. « On espère aussi que la prochaine génération va avoir envie d’y participer. »

Le directeur général parle également de transfert de connaissances et de sensibilisation. « Il y a des gens qui font des jardins potagers depuis 50 ans, c’est facile pour eux, on dirait que ça pousse tout seul et qu’il n’y a jamais de mauvaises herbes ! » En créant un réseau local de solidarité et de partage de savoirs, les aptitudes en production et en conservation des aliments vont se transmettre. « On veut que les gens développent des compétences avec les poules, avec les abeilles, avec la culture en serre, avec le jardin, avec la forêt nourricière. Toutes ces petites connaissances-là qu’on développe ensemble améliorent l’intelligence collective. »

Au total, 12 projets de plan d’action de communauté nourricière (PDCN) se partagent un financement du MAPAQ de 277 000 $. Les projets bénéficiaires proviennent des entités municipales de Saint-Camille, Saint-Adrien, Saint-Luc-de-Vincennes, Saint-Bruno, Saint-Colomban, Candiac, Contrecœur, Granby, Boucherville, Laval, Verdun et Matapédia-et-les-Plateaux.

Alors que 45 % de la population québécoise réside dans un lieu où l’accès à des commerces d’alimentation est limité, cette nouvelle manière d’envisager la collectivité pourra certainement servir d’inspiration à d’autres petites municipalités rurales du Québec.