Silence on tourne

Vincent Di Candido, Échos, Montréal, P5, Mars 2022

Depuis quelques années, on constate dans le Vieux-Montréal des tournages de films dont la logistique est de plus en plus barbare envers les commerçants et gens d’affaires du Vieux-Montréal sans parler des résidents. Mettant de côté tous les innombrables efforts entrepris par le passé, on se retrouve ainsi devant le fait accompli avec des rues fermées sans avertissements et des tournages à la sauvage qui viennent handicaper le travail de bon nombre de personnes déjà lourdement impactées par les affres économiques de cette pandémie qui perdure depuis deux ans. Pourtant, il faut rappeler qu’il y avait une réglementation en vigueur qui exigeait des signatures de respectivement 90% des résidents et de 75% des commerçants pour que les compagnies cinématographiques obtiennent l’autorisation de tourner dans les secteurs ponctuellement concernés. Cela était devenu nécessaire à l’époque justement en raison du peu de préoccupations et d’égards dont faisaient preuve les compagnies de tournage envers les gens qui oeuvrent, résident ou travaillent dans le Quartier historique.

C’est un dossier que je connais très bien car j’étais moi-même directement impliqué dans la mise en place de ces mesures, suite à la grogne générale et au mécontentement croissant des citoyens du quartier. Il faut comprendre que les tournages ajoutent une quantité de nuisances considérables sur les commerçants, gens d’affaires et résidents, par l’occupation des lieux nuisant à la libre circulation et à l’accès à leurs entreprises, en plus d’enlever beaucoup des déjà trop rares places de stationnement du Vieux-Montréal. La réglementation en vigueur venait donc définir clairement les règles, avec l’accord du Bureau du Cinéma de Montréal. Or, il semble que l’on soit retournés au même point qu’avant. Les tournages se font sans consultation, ni même avertissement, par des compagnies de tournage qui s’imposent ainsi dans le quotidien des gens du Vieux comme si le secteur leur appartenait. On en a eu un nouvel exemple dernièrement avec le récent tournage de la série américaine Graymail pour Netflix, sur la rue St-Jacques. Pendant plusieurs jours, celle-ci a été fermée à l’Ouest de la Place d’Armes, en plus de n’avoir pas d’issue une fois engagé car les rues St-François-Xavier et St-Jean étaient elles aussi fermées, soit pour des travaux, soit par le tournage proprement dit. Avec comme résultat que plusieurs se sont ainsi retrouvés à plus d’une reprise coincés et à devoir attendre presque une heure pour pouvoir accéder à leurs bureaux ou au stationnement. Or, après avoir engendré ces inconvénients pendant une semaine, la compagnie semble ensuite trouver normal de se contenter d’une simple banale lettre de remerciements. Essentiellement, on vous remercie gens du Vieux, d’avoir accepté le fait accompli et d’avoir enduré ces nuisances sans réagir. Et maintenant que c’est fait, on s’en va simplement, bonsoir, on est partis.

Plusieurs commerçants ont déjà, fait part de leur agacement croissant. Cela fait trop longtemps maintenant que les compagnies de tournage s’imposent dans le Vieux-Montréal comme si elles étaient propriétaires des lieux, sans consulter les parties impliquées, ni demander leur accord en cas de fermeture de rue ou à tout le moins s’arranger avec la communauté du Vieux-Montréal pour diminuer ou compenser, les nombreuses perturbations. Le Vieux-Montréal appartient à ses gens, pas aux compagnies de tournage. Il est temps également que le Bureau du Cinéma recommence à s’impliquer et à considérer les droits de ceux qui travaillent et résident à l’année longue.