Éloi Fournier, Journal des voisins, Ahuntsic-Cartierville, Février 2022
En date du 21 février, plus de 400 résidants de Cartierville ont signé une pétition demandant à la Ville de Montréal d’empêcher tout usage non résidentiel de l’immeuble situé au 7405, boulevard Gouin Ouest, à l’angle de la rue Jasmin. Cette pétition a été déposée au dernier conseil d’arrondissement, mais elle n’a pas ralenti le processus : l’arrondissement a autorisé le Service des affaires juridiques à signer une entente hors cour avec l’Association Jamia-tul-Madina Montréal, qui possède le bâtiment depuis 2018.
La mairesse de l’arrondissement, Émilie Thuillier, a été mise sur la sellette durant le dernier conseil d’arrondissement. En 2019, elle avait affirmé aux résidants du secteur que les propriétaires du 7405, boulevard Gouin Ouest n’avaient pas le droit de procéder avec un usage non résidentiel à cet endroit; puis, en février de cette année, après un long litige, la Ville a fait volte-face et a choisi d’en arriver à une entente avec l’Association Jamia-tul-Madina Montréal.
Les commentaires en direct durant la séance du conseil d’arrondissement ont clairement démontré que plusieurs résidants n’ont pas digéré ce changement de plan. Mme Thuillier se défend en expliquant que la Ville n’avait tout simplement pas le choix.
« Tout ce qui a été présenté en 2019 était vrai à l’époque, soulève-t-elle. […] Par contre, les propriétaires ont fourni un élément de preuve [de droit acquis] que les avocats de la Ville n’avaient pas, et le Service des affaires juridiques a conclu qu’il était préférable d’en arriver à une entente hors cour. »
La Ville a choisi d’y aller rapidement afin d’éviter une éventuelle défaite en cour, ce qui, selon Mme Thuillier, semblait à peu près inévitable.
Le point à l’ordre du jour du conseil d’arrondissement souligne que la preuve (la déclaration sous serment de l’ancien propriétaire soutenant la prétention de droit acquis) « permet de démontrer que la demanderesse, et le propriétaire antérieur, ont eu l’intention de préserver leur droit à un usage commercial dans l’immeuble, et que des gestes concrets ont été posés en ce sens, le tout, démontrant un maintien des droits acquis. »
Or, la conseillère de Bordeaux-Cartierville, Effie Giannou, aurait souhaité que les choses se passent différemment. Mme Giannou a tenu à affirmer sa dissidence quant à la décision du conseil d’arrondissement, le 14 février, et elle a mentionné durant le conseil qu’à son avis, la mairesse avait « manqué de transparence » dans ce dossier. La conseillère souhaitait reporter le point litigieux au conseil de mars afin de prendre le temps de bien informer les citoyens.
« Ils ont été mis au courant du dossier trois jours avant le conseil d’arrondissement, déplore-t-elle. On s’était engagés à les tenir au courant, et ils étaient mobilisés il y a trois ans… J’étais très mal à l’aise que ce point soit ramené [à l’ordre du jour] sans leur en faire part. Ça n’aurait vraiment pas été la fin du monde de le déplacer d’un mois! »
D’après Émilie Thuillier, une défaite en cour et un processus judiciaire prolongé aurait fini par coûter cher aux résidants de l’arrondissement. Par contre, Effie Giannou se demande pourquoi l’administration a choisi de procéder aussi rapidement, malgré ses nombreuses conversations avec Mme Thuillier à propos du dossier.
De bonnes intentions
Journaldesvoisins.com s’est entretenu avec l’un des responsables de l’Association Jamia-tul-Madina Montréal, Faisal Imtiaz, à la suite de la dernière réunion du conseil d’arrondissement. Celui-ci croit que les résidants du secteur ont été mal informés quant au projet de la chaîne d’universités fondée au Pakistan.
« C’est une école de langues à temps partiel qui accueillera de 20 à 25 étudiants, dit-il en anglais. […] Évidemment, il n’y a pas d’espace pour 100 ou 200 personnes, ni d’espace de stationnement. Nous n’ouvrons pas une mosquée. »
Dans la pétition citoyenne lancée par Delia Berlemis, le stationnement était le premier enjeu soulevé. Mme Berlemis écrit que « nos rues sont déjà surchargées de voitures des Résidents et de non-résidents. Printemps, été et automne, à cause des BBQ au parc Beauséjour, les rues connexes au parc sont débordées d’autos. »
Faisal Imtiaz soutient que les propriétaires veulent s’implanter dans la communauté… et que l’Association Jamia-tul-Madina Montréal a bien hâte de pouvoir enfin occuper le bâtiment, étant donné les taxes de plus de 40 000 $ par année qui y sont rattachées. M. Imtiaz tient aussi à tendre la main aux résidants du secteur.