Guy Paquin, Le Saint-Armand, Armandie, Mars 2022
C’est avec stupéfaction et angoisse que les résidents des Villas des Rivières de Bedford, qui accueillent des personnes âgées (RPA), ont lu la lettre qui leur a été adressée le 16 décembre dernier par Jean-Marc Savoie*, président de l’Office d’Habitation de Brome-Missisquoi. Cette lettre annonçait le déplacement potentiel de la moitié environ d’entre eux (soit 15 personnes sur les 30 qui y résident) vers un lieu inconnu et ce, dès le premier juillet.
La raison invoquée par Jean-Marc Savoie pour cette expulsion est d’une banalité toute administrative : pénurie de main d’œuvre. Pour ce motif, les résidents qui ont besoin des services de buanderie et d’entretien ménager ou de soins de santé iront vivre ailleurs. Où ? On ne le dit pas. Ceux qui resteront ne se verront offrir que les services de sécurité et de loisirs.
Les résidents n’en reviennent pas : « Tout s’est fait dans notre dos. Ils nous prennent pour des moins que rien. Tout était décidé d’avance. On n’a pas eu un mot à dire » dit celui-ci. « Cela n’a pas de sens. Où est-ce que je vais aller ? Ma famille c’est ici. Je ne veux pas partir » se plaint celle-là. Les trente personnes qui vivent à la résidence savent très bien qu’elles devront éventuellement déménager. Elles sont conscientes que la perte graduelle d’autonomie est une caractéristique du vieillissement mais, pour l’heure, elles sont encore en mesure de vivre en RPA et ne sont donc pas prêtes à partir. D’autant plus que Les villas sont commodément situées à un jet de pierre du CLSC/CHSLD de Bedford.
Le conseil municipal va intervenir
Claude Dubois, maire de la ville de Bedford, ne la trouve pas drôle du tout. « Le conseil municipal de Bedford en a discuté lors de son caucus du 10 janvier et nous avons décidé de tout faire pour bloquer ça. Nous allons rencontrer l’auteur de la lettre. J’y serai, tout comme le conseiller municipal Yves Gnocchini, qui est responsable des relations de la ville avec l’Office d’Habitation.
« En principe, les résidents doivent se relocaliser d’ici le 1er juillet. La première chose que nous avons à faire, c’est de reporter à plus tard l’exécution de cette menace. Ce sera l’objet de notre première conversation avec monsieur Savoie. »
La MRC blâmée
Yves Lévesque, maire sortant de Bedford, n’en revient pas. « On fait exactement ce qu’on nous avait promis de ne jamais faire, il y a 4 ans. En 2017, quand la MRC a décidé de rapatrier la gestion des Offices d’Habitation à Cowansville, le directeur général de la MRC, Robert Desmarais, avait promis que jamais on ne toucherait aux services de santé. Et là, on le fait ! »
Joint par le journal, Robert Desmarais affirme, péremptoire, que « la MRC n’est pas concernée par ce projet ! C’est le domaine de l’Office municipal d’Habitation de Brome-Missisquoi ! » Nous avons tenté de joindre également Jean-Marc Savoie, mais en vain.
Regroupement contesté
Jusqu’en 2017, chaque municipalité qui s’était dotée d’un office d’habitation, et des logements à coûts modiques venant avec, gérait ces lieux elle-même. On offrait non seulement des logements de qualité à prix modique, mais on accueillait également dans ces lieux des personnes à autonomie réduite et on leur prodiguait les soins nécessaires.
C’est ainsi qu’on agissait dans les offices d’habitation de Bedford, Farnham, Bromont, Cowansville, Frelighsburg, Lac Brome, Sainte-Brigide et Sutton. Quand la MRC a décidé de regrouper la gestion de tous ces centres, les maires de Bedford et de Farnham ont protesté, craignant que ce regroupement soit en fait une étape préparatoire à la coupure de services. À l’époque, on les a rassurés. Pourtant, aujourd’hui, on revient sur les promesses de 2017 et on coupe dans les services. D’où l’expulsion annoncée d’environ 15 personnes qui ont absolument besoin de services de santé en résidence. D’ailleurs, il n’est plus dans les cartons de l’Office d’accueillir des personnes à autonomie réduite.
« Où va-t-on les mettre, demande Yves Lévesque ? Dans des CHSLD ? Ils sont pleins ! Et avec la COVID, la perspective d’aller dans un CHSLD est tout sauf rassurante. Ces gens habitent dans nos offices d’habitation dans le but de payer un loyer modique et de recevoir des soins. Ils n’ont pas les moyens de déménager dans des résidences de luxe ou d’embaucher des infirmières privées. »
Yves Lévesque assure qu’Isabelle Charest, députée de Brome-Missisquoi et membre du comité ministériel des services aux citoyens, a été saisie du dossier ainsi que son attachée politique, Johanne Gauvin. Par ailleurs, un comité s’est formé et veille au grain en attendant des résultats concrets : le Comité citoyen pour les services de santé dans le pôle de Bedford (CCSSPB), qui invite les citoyens à s’exprimer sur sa page Facebook**. Il est composé de huit citoyens : Yves Lévesque, Pierrette Messier (ex-conseillère municipale du Canton de Bedford), Lise Gnocchini (connue pour son intérêt pour les services de santé locaux), Normand Déragon (ex-conseiller municipal de la ville de Bedford), Christiane Granger (présidente de la Fondation Lévesque-Craighead), Dominique Martel (mairesse de Saint-Ignace-de-Stanbridge et membre du comité Santé de la MRC de Brome-Missisquoi), Daniel Tétreault (maire de Notre-Dame-de-Stanbridge et préfet suppléant de la MRC de Brome-Missisquoi), André Beaumont (président du club FADOQ de la région de Bedford) et Marie-Claude Morier (du CPE de Bedford). Ce groupe a déjà adressé une lettre de protestation au président de l’Office d’Habitation de Brome-Missisquoi et a demandé l’ouverture de pourparlers en vue d’élaborer une solution de rechange acceptable.