Le danger d’un salaire minimum trop élevé

Mercedes Domingue, Échos Montréal, novembre 2021

Actuellement, profitant des surenchères salariales occasionnées par la pénurie de main d’œuvre, on indique dans certains milieux qu’il serait souhaitable de faire passer le salaire minimum à 20,00$ de l’heure. Cette suggestion serait une initiative notamment de Louis Audet, Président de la compagnie Cogeco. Même si la proposition part d’intentions louables, elle n’est pas adaptée à la situation présente et il convient d’abord de noter certaines réalités.

 

D’une part la présente pénurie de main d’œuvre a été en grande partie artificiellement alimentée par une trop grande générosité du Gouvernement fédéral qui a distribué sans compter tout un paquet de cadeaux pré-électoraux, dont la trop généreuse/trop longtemps active PCU, entre autres à l’intention des étudiants et d’une jeunesse qui n’en demandait pas tant. En effet, alors qu’en restant oisifs ils faisaient encore plus d’argent sans se forcer qu’ils n’en auraient fait à travailler comme par le passé, ils n’avaient donc plus d’incitatifs à chercher. La fierté personnelle et la responsabilité sociale semblent être de lointains concepts lorsque l’on peut encaisser de l’argent au détriment des autres sans avoir à bouger de son canapé.

 

En second lieu, s’il serait certes pertinent de tourner en notre avantage les enseignements imposés par cette crise pandémique pour en tirer des leçons et d’en profiter pour repenser nos modèles socioéconomiques, cela doit cependant impérativement se faire avec souci d’intelligence et d’efficacité. Il ne faut oublier pas que la pandémie a déjà mis mal beaucoup de commerçants et d’entreprises. Les revenus ont été au plus faible depuis plusieurs mois, et la concurrence mondiale des produits d’importation, dans un contexte où toutes les économies planétaires tentent de se revigorer, rend les choses encore plus compliquées.

 

Beaucoup de commerçants et d’entrepreneurs ne pourraient donc tout simplement pas supporter une telle augmentation de leurs charges salariales, qui ne ferait qu’empirer la situation d’endettement général. D’autant plus que le contexte socioéconomique actuel a engendré une certaine escalade des échelons salariaux dans les métiers qualifiés, tandis que les gouvernements se sont déjà eux-mêmes passablement endettés depuis le début de la pandémie. Il n’y a pas de doute que le marché du travail doit se remettre à jour. Le modernisme des technologies actuelles nous enlignerait plutôt vers le développement et l’apprentissage en rapport aux nouveaux besoins industriels. Tout en repensant un peu à la hausse les salaires-planchers afin qu’ils soient mieux adaptés à l’inflation galopante, il faut néanmoins que les rémunérations soient globalement conçues en fonction des connaissances requises par les différents corps de métiers modernes, y compris en imaginant les évolutions humaines futures, par exemple pour les industries amenées à faire de plus en plus appel à la robotique. Ce n’est donc pas quelque chose qu’il faut penser à la légère, notre modèle socioéconomique est une entité fragile, qu’il faut concevoir sur le long terme. Se précipiter trop rapidement pourrait incidemment faire plus de tort que de bien et cela n’aiderait personne. Le Québec Inc doit s’émanciper de manière visionnaire et logique.